— Cette fois, du moins, ce n’est rien : quelque écureuil qui prend ses ébats.
— Je vous disais donc : Défiez-vous de votre cousin ; il a les yeux méchants…
— Ah ! ah !
— … Et je n’aime pas sa façon de me regarder.
— Vous êtes si belle !…
— Ne riez pas, Arthur. Ces jours derniers, me voyant les yeux rouges, il me dit avec un mauvais rire :
— « Qu’avez-vous, Suzanne ? »
— « Rien qui vous concerne ! » ai-je répondu brusquement.
— « Vous êtes-vous querellé avec votre amoureux ? » a-t-il ajouté d’un air moqueur.
— « Ça ne vous regarde pas ! »
Et je lui ai tourné le dos.
Mais je l’ai vu, dans une vitre de la fenêtre où je me trouvais, serrant les poings et faisant un geste de menace.
— Une vitre est un mauvais miroir, Suzanne !
— C’est possible, mon ami. N’en parlons plus et soyez prudent.
— Pour vous faire plaisir, je le serai. — Mais revenons à votre visite de l’autre jour.
— De l’autre nuit ! — car c’était la nuit.
— Soit.. Et qu’a fait ce visiteur nocturne ?
— Il s’est enfermé avec ma mère pendant une heure et j’ai été emmenée dehors par mon frère, sous prétexte de ne pas troubler la conversation qu’ils eurent ensemble.
— Ah ! diable ! fit Arthur, très intéressé.
— Puis l’étranger est reparti, accompagné toujours de Thomas et de l’inséparable Gaspard.
— De sorte que vous ne savez pas quel était cet homme ?
— Si… Ma mère m’a dit que c’était un vieil ami de mon défunt père.
— Que venait donc faire chez vous ce mystérieux personnage ?
— Voilà précisément ce que je demande en vain à tous les miens, sans pouvoir obtenir d’autre réponse que celle-ci : C’est un parent éloigné, un ami de là-bas. Il faut le croire.
— Mais votre mère, elle, — votre mère qui vous aime tant, bonne Suzanne, — a dû vous donner quelques mots d’explications avant de vous soustraire à mes recherches… je veux dire à ma vue.
— Pauvre mère, elle est toute bouleversée de ce qui arrive… Mes questions semblent lui faire tant de mal !… Elle se contente de répondre : « Chère Suzette, j’en suis chagrine autant que toi ; mais tu ne dois plus voir ce jeune homme… Un mariage est impossible entre vous… Quelque chose de terrible vous sépare à jamais ! »
— Qui ou quoi peut donc nous séparer, Suzanne ?
— Hélas !
— Votre mère vous l’a dit ?
— Il l’a bien fallu ; je l’ai tant suppliée !
— Et c’est ?…