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Page:Dick - Un drame au Labrador, 1897.djvu/86

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informes tas de branches à moitié enfouies dans le sable, et gisant l’un près de l’autre, sur le rivage de cette langue de terre.

C’étaient les deux bouts de la passerelle

Et ces bouts étaient sciés nettement, avec une scie en bon ordre, une scie appartenant à des blancs !

Hourra !…

Wapwi lança en l’air son chapeau de paille et, malgré sa fatigue, esquissa des pas de danse tout à fait… inédits.

Gaspard avait fait le coup !

Gaspard avait voulu noyer son cousin !!

Voilà ce que disaient ces deux tronçons de sapin, à moitié ensablés, sur une grève déserte !

S’il l’eût pu, Wapwi aurait volontiers traîné derrière lui ces « pièces justificatives ; » mais il se consola d’être obligé de les laisser pourrir là, en pensant avec raison qu’aucune marée, si forte fût-elle, ne les dépêtrerait des couches de sable qui en enterraient les rameaux.

L’essentiel, pour le moment, était de savoir que ce qui fut la passerelle, existait encore et que le trait de scie révélateur se voyait parfaitement.

Si la chose devenait nécessaire, plus tard, Wapwi pourrait dire : « La passerelle a été sciée, et non cassée !… — Par qui ?… — Par quelqu’un ayant intérêt à ce qu’Arthur disparût… Or, les sauvages n’avaient aucun grief contre ce jeune homme… Cherchez le coupable autour de vous… »

Ayant ainsi augmenté le dossier de Gaspard d’une pièce importante, Wapwi songea à sa petite personne, qu’il trouva bien fatiguée et terriblement affamée.

Le sac aux provisions eut bientôt raison de la faim, et un bon somme à l’ombre d’un sapin restaurerait en peu de temps les muscles épuisés.

Un quart-d’heure ne s’était pas écoulé que le petit sauvage, repu et content, dormait comme une souche.

Quand il s’éveilla, Wapwi fut tout surpris de constater que le soleil avait disparu derrière la côte, très élevée partout dans cette région, et que la nuit approchait.

En même temps, une forte brise semblait courir dans les sapins, là-haut, sur la croupe de l’immense falaise.

— Hum ! se dit-il, je voudrais bien être rendu chez le papa Labarou !… Je ne sais ce que je ressens au creux de l’estomac… Mais je suis inquiet… J’ai entendu parler d’une partie de chasse sur l’Îlot… Pourvu qu’on se soit aperçu qu’il va venter fort, fort !

Et Wapwi, aiguillonné par un pressentiment insurmontable, se prit à courir de toutes ses forces vers la baie.

Mais, si agile qu’il fût, il lui fallait bien modérer son allure, de temps à autre, pour reprendre haleine.

Quand il déboucha sur la grève de la baie, après avoir traversé directement la pointe orientale, il était bien près de minuit, s’il ne passait pas cette heure.