UNE HORRIBLE AVENTURE
V
Les quinze jours qui suivirent ce coup de théâtre furent marqués, pour notre ami, par une série de petites ovations et par de nombreux succès de racontars.
Son entrée en scène pleine de rondeur l’avait posé, et sa fière narration des exploits accomplis dans le Nouveau-Monde par ses pères sous le drapeau de la France, avait impressionné favorablement ses camarades en pension.
Il s’en fallait de bien peu qu’on ne le considérât comme une espèce de personnage antédiluvien, venu de parages inexplorés et exhalant un parfum de romanesques légendes…
C’est que, pour répondre à toutes les questions plus ou moins… fantaisistes que lui adressèrent à l’envi ces messieurs de Paris, Georges dut se mettre en frais d’invention et surcharger un tantinet le tableau.
Au reste, la chose était assez du goût de Labrosse, et il n’eût pas à se faire violence pour lâcher la bride à son exubérante imagination.
Il fallait voir surtout avec quelle effroyable verve il parlait aux étudiants de la férocité des sauvages, et quelles sombres couleurs s’amoncelaient sur sa palette pour peindre les souffrances qu’ils faisaient endurer à leurs prisonniers.