Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 1, Hachette, 1911.djvu/227

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rût que je pusse désirer connaître, apportez-les ici ; voulez-vous, mon bon garçon ? »

Cela fut dit avec un sourire qui signifiait, ou du moins Hugh le crut : « Manquez-y et vous me le payerez. » Il répondit qu’il n’y manquerait pas.

« Et ne soyez pas, reprit son patron, de l’air du plus affectueux patronage, ne soyez pas du tout abattu ou mal à votre aise au sujet de cette petite témérité dont nous avons parlé. Votre cou est aussi en sûreté dans mes mains que si c’était un baby qui le caressât dans ses petits doigts, je vous assure. Buvez encore un coup, maintenant que vous êtes plus tranquille. »

Hugh l’accepta de sa main, et, regardant à la dérobée sa figure souriante, il but en silence le contenu.

« Eh bien ! vous ne buvez plus, ha, ha ! vous ne buvez donc plus à la Boisson ? dit M. Chester, de sa manière la plus séduisante.

— À vous, monsieur, répondit l’autre d’un air assez gauche, en faisant quelque chose comme une révérence. C’est à vous que je bois.

— Merci. Dieu vous bénisse ! À propos, quel est votre nom, mon brave homme ? On vous appelle Hugh, oui, je sais ; mais votre autre nom ?

— Je n’ai pas d’autre nom.

— Un bien étrange garçon ! Voulez-vous dire par là que vous ne vous en êtes jamais connu d’autre, ou que vous aimez mieux l’oublier ? Lequel des deux ?

— Je vous dirais mon autre nom si je le savais, reprit Hugh avec vivacité, mais je ne m’en connais pas d’autre : on m’a toujours appelé Hugh, rien de plus. Je ne me suis jamais ni vu ni connu de père, je n’y ai seulement pas songé. J’étais un petit garçon de six ans, ce n’est pas bien vieux, lorsqu’on pendit ma mère à Tyburn pour procurer à deux mille hommes le plaisir de la voir à la potence. On aurait pu la laisser vivre : elle était assez malheureuse.

— C’est triste, bien triste ! dit son patron, avec un sourire plein de condescendance. Je ne doute pas qu’elle ne fût extrêmement belle.

— Voyez-vous mon chien ? dit Hugh d’un ton brusque.

— Fidèle, je parie, répliqua son patron, lorgnant le chien,