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BARNABÉ RUDGE

avons été ramenés à en parler, ce même jour, depuis l’événement… le 19 mars d’une année quelconque, tôt ou tard, cet homme-là sera découvert. »



CHAPITRE II.

« Voilà une étrange histoire ! dit l’homme qui avait donné lieu au récit, plus étrange encore si votre prédiction se réalise. Est-ce tout ? »

Une question tellement inattendue ne piqua pas peu Salomon Daisy. À force de raconter cette histoire très souvent, et de l’embellir, disait-on au village, de quelques additions que lui suggéraient de temps à autre ses divers auditeurs, il en était venu par degrés à produire en la racontant un grand effet ; et ce « Est-ce tout ? » après le crescendo d’intérêt, certes, il ne s’y attendait guère.

« Est-ce tout ? répéta le sacristain ; oui, monsieur, oui, c’est tout. Et c’est bien assez, je pense.

— Moi, de même. Mon cheval, jeune homme. Ce n’est qu’une rosse, louée à une maison de poste sur la route ; mais il faut que l’animal me porte à Londres ce soir.

— Ce soir ! dit Joe.

— Ce soir, répliqua l’autre. Qu’avez-vous à vous ébahir ? Cette taverne a l’air d’être le rendez-vous de tous les gobemouches du voisinage. »

En entendant cette évidente allusion à l’examen qu’on lui avait fait subir, comme nous l’avons mentionné dans le précédent chapitre, les yeux de John Willet et de ses amis se dirigèrent de nouveau vers le chaudron de cuivre avec une rapidité merveilleuse. Il n’en fut pas ainsi de Joe, garçon plein d’ardeur, qui soutint d’un regard ferme l’œillade irritée de l’inconnu, et lui répondit :

« Il n’y a pas grande hardiesse à s’étonner que vous partiez ce soir. Certainement une question si inoffensive vous a été faite déjà dans quelque auberge, et surtout par un temps