Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 1, Hachette, 1911.djvu/316

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j’entre. Je n’avais pas rencontré une âme tout le long de la route, jugez si c’était rassurant. Pas un de vous n’avait voulu me tenir compagnie, et, si vous aviez pu vous douter de ce qui allait advenir, vous aviez bien raison.

« Le vent était si violent, que c’est tout au plus si je pus fermer la porte de l’église en appuyant de tout mon poids ; et malgré ça, elle s’ouvrit toute grande deux fois avec une telle force que chacun de vous aurait juré, en voyant la résistance quelle opposait à mes efforts, que quelqu’un poussait de l’autre côté. Je finis cependant par tourner la clef, j’entrai dans le beffroi, et je remontai l’horloge : il était temps, elle était presque au bout de son rouleau, et elle allait s’arrêter dans une demi-heure.

« Lorsque je pris ma lanterne pour quitter l’église, voilà que je me sens l’esprit frappé de l’idée que c’était le dix-neuf mars, mais frappé, là, comme d’un coup qu’une main robuste m’eût porté pour mieux me le faire entrer dans la tête ; au même moment, j’entendis une voix hors de la tour… une voix qui s’élevait d’entre les tombeaux. »

Ici le vieux John interrompit précipitamment l’orateur, et pria M. Parkes, qui était assis en face de lui et regardait fixement par-dessus sa tête, s’il voyait quelque chose, d’avoir la bonté de le lui dire. M. Parkes s’excusa en déclarant qu’il ne voyait rien, que c’était seulement pour écouter. M. Willet riposta avec colère que sa façon d’écouter avec une pareille expression de physionomie n’était pas agréable, et que, s’il ne pouvait point regarder comme tout le monde, il ferait mieux de se couvrir la tête avec son mouchoir. M. Parkes avec une grande soumission, promit de ne pas y manquer à sa première sommation, et John Willet, se tournant vers Salomon, le pria de continuer. Après avoir attendu qu’une violente bourrasque de vent et de pluie, qui semblait ébranler même cette solide maison jusqu’en ses fondements, fût passée, le petit homme obéit à sa requête.

« Et n’allez pas me dire que c’était un effet de mon imagination, ni que je pris un bruit pour un autre ! J’entendis le vent siffler à travers les arceaux de l’église. J’entendis le clocher crier en résistant. J’entendis la pluie qui venait battre contre les murs. Je sentis les cloches en branle. Je vis les cordes aller en haut et en bas. Et j’entendis cette voix.