Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/144

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Lord Georges, l’œil brillant et la figure animée, ôta son chapeau, le fit tourner autour de sa tête, et lui dit adieu avec enthousiasme ; puis il se remit au petit trot, après avoir jeté derrière lui un regard de colère, pour voir si son domestique le suivait. L’honnête John donna un coup d’éperon pour courir après son maître, après avoir commencé par inviter encore Barnabé à se retirer, par des signes répétés, qui n’étaient pas équivoques, mais auxquels celui-ci résista résolûment jusqu’à ce que le détour de la route les empêchât de se voir.

Se trouvant seul encore une fois, et plus fier que jamais de l’importance du poste qui lui était confié, plein d’enthousiasme, d’ailleurs, en songeant à l’estime particulière et aux encouragements de son chef, Barnabé se promenait de long en large, dans le ravissement d’un songe délicieux, où il était plongé tout éveillé. Les rayons du soleil couchant qu’il avait en face de lui avaient passé dans son âme. Il ne manquait qu’une chose à son bonheur. Ah ! si Elle pouvait seulement le voir en ce moment !

Le jour était sur son déclin ; la chaleur commençait à faire place à la fraîcheur du soir. Le vent léger qui se levait se jouait dans sa chevelure et faisait frissonner doucement le drapeau au-dessus de sa tête. Il y avait, dans ce bruit glorieux et dans le calme d’alentour, comme un souffle frais et libre qui répondait à ses sentiments. Il n’avait jamais été si heureux.

Il était donc appuyé sur sa hampe, regardant le soleil couchant, et songeant avec un sourire qu’il était en sentinelle pour garder l’or enterré près de là, lorsqu’il vit de loin trois ou quatre hommes qui s’avançaient d’un pas rapide vers la maison, et qui faisaient signe de la main aux gens de l’intérieur de se retirer pour ne pas se trouver au milieu d’un danger prochain. À mesure qu’ils s’approchaient, leurs gestes devenaient de plus en plus expressifs, et ils ne furent pas plus tôt à portée de la voix, que les premiers crièrent que les soldats arrivaient.

À ces mots Barnabé plia son drapeau, et l’attacha autour de la lance. Son cœur battait bien fort, mais il ne songeait pas plus à avoir peur, ni à se retirer, que sa lance elle-même. Les passants officieux qui l’avaient averti se hâtèrent, après l’avoir prévenu du danger qu’il courait, d’entrer dans la maison, où ils jetèrent par leur arrivée le trouble et l’alarme. Les