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Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/147

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des cuillers d’or, des flambeaux d’or, des guinées…. quel trésor fut mis tout à coup à découvert !

Ils apportèrent un sac et des pelles, déterrèrent tout ce qu’on avait caché là, et en retirèrent la charge de deux hommes au moins. Quant à Barnabé, on lui mit les menottes, on lui lia les bras, on le fouilla, on lui prit tout ce qu’il avait. Personne ne lui adressa ni une question ni un reproche, personne ne lui témoigna la moindre curiosité. Les deux soldats qu’il avait étourdis furent emportés par leurs compagnons avec le même ordre insouciant qui avait présidé à tout le reste. Finalement, on le laissa sous la garde de quatre soldats, la baïonnette au bout du fusil, pendant que l’officier dirigea en personne une perquisition générale dans la maison et dans les bâtiments qui en dépendaient.

Ce fut bientôt fait. Les soldats se reformèrent en rangs dans la cour. « En avant, marche ! » Barnabé est emmené sous escorte ; on lui fait une place. « Serrez les rangs. » Et les voilà partis avec leur prisonnier au centre.

Quand une fois ils furent dans les rues, il s’aperçut qu’il était en spectacle, et dans leur marche rapide il pouvait voir tout le monde venir aux fenêtres quand il était passé, et relever la croisée pour le regarder. De temps en temps il apercevait une figure de curieux par-dessus la tête des gardes qui l’entouraient, ou par-dessous leurs bras, ou sur le haut d’une charrette, ou sur le siége d’un cocher ; mais c’est tout ce qu’il pouvait distinguer au milieu de sa nombreuse escorte. Le bruit même de la rue semblait dompté et garrotté comme lui, et l’air qu’il respirait était fétide et chaud comme les bouffées malsaines qui s’exhalent d’un four.

« Une, deux ! une, deux ! la tête droite ! les épaules effacées ! emboîtez le pas ! » Tout cela avec tant d’ordre et de régularité, sans que pas un d’eux le regardât ou parût se douter de sa présence ! Il ne pouvait croire qu’il fût prisonnier, mais il ne l’était que trop bien, il n’avait pas besoin qu’on le lui dit : il sentait les menottes lui serrer les poignets, la corde lui lier les bras au flanc, les fusils chargés à hauteur de sa tête, avec ces pointes froides, brillantes, affilées, tournées de son côté. Rien que de les regarder, lié et retenu comme il était maintenant, c’en était assez pour lui glacer le sang dans les veines.