Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/149

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l’emmener, à travers le champ de parade, dans une autre partie du bâtiment.

Dans une pareille situation, un coup d’œil suffit pour vous faire voir bien des choses, qui vous prendraient bien plus de temps dans un moment moins critique. Il y a cent à parier contre un que, si Barnabé avait flâné en pleine liberté à la porte, il serait sorti de là avec une idée très-imparfaite des localités, et qu’il ne s’en serait guère souvenu plus tard. Mais, avec les mains serrées dans les menottes, en traversant le préau sablé des exercices du régiment, il ne laissa rien passer. L’aspect sec et aride de cette place poudreuse, et du bâtiment de briques dans toute sa nudité ; les habits pendus ça et là à quelques fenêtres ; les hommes en bras de chemises et en bretelles se balançant à quelques autres, la moitié du corps en avant ; les jalousies vertes dans le quartier des officiers, avec quelques arbustes chétifs sur le devant ; les tambours étudiant dans une cour éloignée ; les hommes à l’exercice ; les deux soldats qui, tout en portant à eux deux le panier de provisions, se regardent du coin de l’œil, en voyant passer Barnabé, et font un geste de la main en travers de la jugulaire sans rien dire, triste augure pour la prisonnier ; le joli sergent qui se dandine, sa canne à la main et sous son bras un registre à fermoir, recouvert de parchemin ; les lascars, au rez-de-chaussée, occupés à brosser et à astiquer différents articles de toilette, qui s’arrêtent pour le regarder et se parlent tous ensemble, faisant retentir de leurs voix bruyantes les échos des longs corridors et des sonores galeries ; tout, jusqu’au râtelier d’armes devant le poste, et au tambour attaché dans un coin à son ceinturon blanchi à la terre de pipe, se grave dans son esprit, comme s’il avait passé par là plus de cent fois, ou qu’il fût resté un jour entier avec eux, au lieu de cette minute d’observations faites en courant.

On le mena dans une petite cour pavée, sur le derrière, et là on ouvrit une grande porte, doublée de fer, percée, à cinq pieds du sol, de quelques trous pour laisser pénétrer l’air et le jour. C’était le cachot, où on le mit incontinent ; puis on ferma la porte sur lui, on plaça devant une sentinelle, et on l’abandonna à ses réflexions.

Ce caveau ou trou noir, selon l’inscription peinte sur la