Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de péquins qui tremblent dans leurs bottes à en enfoncer la semelle, à la moindre menace des gueux de son bord ?

— Pour ça, c’est vrai.

— Si c’est vrai ! … tenez ! je vais vous dire. Je voudrais tant seulement, Tom Green, être capitaine comme je ne suis que sous-officier, et qu’on me donnât à commander deux compagnies…. je ne demanderais que deux compagnies…. de mon régiment. Après ça qu’on m’appelle pour apaiser l’émeute. Qu’on me donne carte blanche et une demi-douzaine de cartouches à balle….

— Ouais ! disait l’autre voix, vous en parlez bien à votre aise, mais ils ne vous donneront pas carte blanche. Et si le magistrat ne veut pas vous autoriser, qu’est-ce que vous voulez que fasse l’officier ? »

Cette difficulté parut embarrasser le sergent, qui s’en tira en envoyant les magistrats à tous les diables. « De tout mon cœur, répondit son ami.

— Qu’y a-t-il besoin d’un magistrat ? reprit l’autre. Un magistrat, dans ce cas-là, ce n’est qu’une cinquième roue à un carrosse, une espèce d’intrus inconstitutionnel. Voilà une proclamation. Voilà un homme désigné dans la proclamation. Voilà des preuves contre lui, et un témoin oculaire. Que diable ! mettez-le en place, et tirez-lui une balle dans la tête, monsieur. Pour quoi faire un magistrat ?

— Quand est-ce qu’on le mène devant sir John Fielding ? demanda le premier interlocuteur.

— Ce soir, à huit heures, répondit l’autre. Eh bien ! voyez un peu les suites de tout ça. Le magistrat l’envoie à Newgate. Bon ! nous l’amenons à Newgate. Les insurgés nous attaquent. Nous reculons devant les insurgés. On nous jette des pierres, on nous insulte : nous ne tirons pas un coup de fusil. Pourquoi ça ? Parce qu’il y a des magistrats. Que le diable emporte les magistrats ! »

Après s’être donné la consolation d’épuiser toutes les malédictions de son vocabulaire contre les magistrats, l’homme ne fit plus entendre qu’un grognement sourd, qui lui échappait de temps en temps, toujours à l’adresse de ces autorités respectables.

Barnabé, qui avait encore assez d’esprit pour comprendre que cette conversation l’intéressait directement, resta par-