Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/166

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nis n’eut pas le temps de continuer ses doléances : car, à l’instant même, M. Tappertit entra précipitamment, et sa vue arracha un cri de joie à Dolly, qui se jeta de bonne foi dans ses bras.

« Je le savais bien, j’en étais sûre, cria-t-elle. Mon cher père est à la porte. Merci, ô merci, grand Dieu ! Qu’il vous bénisse, Simon ! Que le ciel vous bénisse d’être venu ici ! »

Simon Tappertit, qui s’était d’abord imaginé dans son for intérieur que la fille du serrurier, ne pouvant plus réprimer sa passion pour lui, allait y donner un libre cours, et déclarer qu’elle était à lui pour toujours, parut déconcerté en entendant cette méprise ; d’autant plus que Hugh et Dennis l’accueillirent par un grand éclat de rire qui la fit reculer, et porter sur son prétendu libérateur un regard fixe et inquiet.

« Miss Haredale, dit Simon après un silence plein d’embarras, j’espère que vous êtes aussi bien ici que le permettent les circonstances. Dolly Varden, ma chérie, mon tendre et délicieux amour, j’espère que vous n’êtes pas mal non plus. »

Pauvre petite Dolly ! elle vit tout de suite ce qu’il en était, se cacha la face dans ses mains, et se mit à pousser encore des sanglots plus amers que jamais.

« Vous voyez en moi, miss Varden, dit Simon, la main sur le cœur, vous voyez en moi non pas un apprenti, un ouvrier, un esclave, la victime du joug tyrannique de votre père ; mais le chef d’un grand peuple, le capitaine d’une noble troupe dont ces messieurs sont, comme qui dirait, les caporaux et les sergents. Vous voyez en moi, non pas un individu comme tout le monde, mais un homme public ; non pas un rapiéceur de serrures, mais un médecin des plaies vives de sa malheureuse patrie. Dolly Varden, charmante Dolly Varden, combien y a-t-il d’années que j’attends cette rencontre d’aujourd’hui ! Combien y a-t-il d’années que j’aspire à vous relever et vous ennoblir par mon choix ! Mais me voici payé de mes peines. Voyez en moi désormais…. votre mari. Oui, belle Dolly, charmante enchanteresse, Simon Tappertit est à vous pour toujours. »

En disant ces mots il s’avança vers elle. Dolly recula jusqu’au pied de la muraille ; et là, ne pouvant aller plus