Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/173

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« Présent ! lui répondit celui à qui il s’était adressé ; c’est moi qui suis Hugh. Qu’est-ce que vous me voulez ?

— J’ai une commission pour vous, dit l’homme. Vous connaissez un certain Barnabé ?

— Qu’est-ce qu’il est devenu ? Est-ce de sa part que vous venez ?

— Oui, il est arrêté. Il est dans un des plus forts cachots de Newgate. Il s’est défendu de son mieux, mais il a été accablé par le nombre. Voilà ma commission faite.

— Quand donc l’avez-vous vu ? demanda Hugh avec empressement.

— Pendant qu’on l’emmenait en prison sous escorte nombreuse. Ils ont pris une rue détournée où nous avions cru qu’ils ne passeraient pas. J’étais un de ceux qui ont essayé de le délivrer. Il m’a chargé de vous dire où il était. Nous n’avons pas réussi ; mais c’est égal, l’affaire a été chaude : regardez plutôt. »

Il montrait du doigt ses habits et le bandeau sanglant qui ceignait sa tête : il paraissait encore tout essoufflé de sa course, en regardant la compagnie à la ronde. Enfin, se retournant de nouveau vers Hugh :

« Je vous connaissais bien de vue, dit-il, car j’étais des vôtres vendredi, samedi et hier, mais je ne savais pas votre nom. Je vous reconnais maintenant. Vous êtes un fameux gaillard, et lui aussi. Il s’est battu le soir comme un lion, quoique ça ne lui ait pas servi à grand’chose. Moi aussi, j’ai fait de mon mieux, surtout pour un manchot. »

Il jeta de nouveau un regard curieux autour de la chambre : du moins il en eut l’air, car il était difficile de distinguer ses traits sous le bandeau qui lui couvrait le visage ; puis, regardant encore fixement du côté de Hugh, il empoigna son bâton, comme s’il s’attendait à une attaque et qu’il se mît sur la défensive.

Au reste, s’il en eut un moment la peur, elle ne dura pas longtemps, en présence de la tranquillité de tous les assistants. Personne ne songea plus à s’occuper du porteur de nouvelles ; tous s’occupèrent des nouvelles elles-mêmes. On n’entendait de tous côtés que des jurons, des menaces, des malédictions. Les uns criaient que, si on souffrait ça, ce serait bientôt leur tour à se voir tous emmenés à la geôle ; les autres, que