Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/20

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car, en dépit du printemps qui était déjà bien avancé, les nuits étaient fraîches, et Hugh s’y chauffait, en fumant sa pipe sur un tabouret. Dennis approcha une chaise, son unique chaise, pour le secrétaire, devant le foyer, et reprit lui-même sa place sur le tabouret qu’il avait quitté pour aller ouvrir au visiteur nocturne.

« Qu’est-ce qu’il y a donc de nouveau, monsieur Gashford ? dit-il en reprenant sa pipe et le regardant de côté. Est-il venu des ordres du quartier général ? Allons-nous nous mettre entrain ? Contez-nous ça, monsieur Gashford.

— Oh ! rien, rien, dit le secrétaire en lui faisant un signe de tête amical. Mais c’est égal, voilà la glace rompue ; nous avons commencé la danse aujourd’hui… n’est-ce pas, Dennis ?

— Un bien petit commencement ! répondit en grognant le bourreau : il n’y en a pas pour ma dent creuse.

— Ni moi non plus, cria Hugh. Donnez-nous seulement quelque chose à faire où il y ait une vie au bout… oui, une vie au bout, notre bourgeois. Ha ! ha ! … à la bonne heure !

— Mais, dit le secrétaire, de son expression de physionomie la plus hideuse et de son ton de voix le plus doux, vous ne voudriez pas que je vous donnasse quelque chose à faire avec la mort… la mort d’un homme au bout ?

— Je ne connais pas tout ça, répliqua Hugh. Je ne connais que ma consigne. Je m’en moque pas mal, moi.

— Et moi donc ? vociféra Dennis.

— Les braves garçons ! dit le secrétaire, d’une voix aussi pastorale que s’il recommandait au prône quelque rare merveille de valeur et de générosité. À propos… » Et ici il s’arrêta un moment, pour se chauffer les mains ; puis les regardant en face soudainement : « Qui est-ce donc qui a jeté cette pierre aujourd’hui ?

M. Dennis toussa et branla la tête, comme pour dire : « Ça, c’est un mystère. » Hugh restait assis et fumait en silence.

« Pas mal visé, dit le secrétaire, se chauffant encore les mains devant le feu. Je voudrais bien connaître le gaillard qui a fait ce coup-là.

— Est-ce vrai ? dit Dennis après l’avoir regardé en face, pour s’assurer qu’il parlait sérieusement. Est-ce que réellement vous tenez à le connaître, monsieur Gashford ?