Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/215

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rue, soit que ce fussent les émeutiers qui, fidèles à quelque plan arrêté d’avance, étaient venus pour saccager la prison : dans l’un comme dans l’autre cas, il n’avait aucune espérance qu’on épargnât sa vie. Chaque cri qu’ils poussaient, chaque clameur qu’ils faisaient entendre, était un coup nouveau qui le frappait au cœur ; à mesure que l’attaque avançait, il devenait de plus en plus égaré par ses terreurs frénétiques ; il essayait de renverser les barreaux qui défendaient la cheminée pour l’empêcher de grimper par là ; il appelait à haute voix les guichetiers pour qu’ils vinssent se ranger autour de sa cellule et le sauver de la furie de la canaille.

« Mettez-moi si vous voulez dans un cachot souterrain, n’importe la profondeur, je me moque bien qu’il soit sombre ou dégoûtant, que ce soit un nid de rats ou de vipères, pourvu que je puisse m’y cacher et m’y dérober à toute recherche. »,

Mais personne ne venait, personne ne répondait à ses cris. Ses cris mêmes lui faisaient craindre d’attirer sur lui l’attention, et il retombait dans le silence. De temps en temps, en regardant par la grille de sa fenêtre, il voyait une étrange clarté sur la muraille et sur le pavé de la cour ; cette clarté, d’abord assez faible, augmenta insensiblement : c’était comme si des gardiens passaient et repassaient avec des torches sur le toit de la prison. Bientôt l’air était tout rouge, et des brandons enflammés venaient en tourbillonnant tomber à terre, éparpiller le feu sur le sol, et brûler tristement dans les coins. L’un d’eux roula sous un banc de bois et le mit en combustion. Un autre attrapa un tuyau et s’en vint tout du long grimper sur le mur, laissant derrière lui une longue traînée de feu. Le moment d’après, une pluie épaisse de flammèches commença à tomber petit à petit devant la porte, du haut de quelque partie voisine de la toiture, apparemment incendiée.

Se rappelant que sa porte ouvrait en dehors, il reconnut que chaque étincelle qui venait tomber sur le tas et y éteindre sa force et sa vie, ne laissant en mourant qu’un sale atome de plus de cendre et de poussière, aidait à l’ensevelir là comme dans une tombe vivante. Et pourtant, quoique la prison retentît de clameurs et du cri : « Au secours ! … » quoique