Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/220

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cette nuit), personne, non personne n’aurait pu s’empêcher de les délivrer, et, laissant à d’autres le soin de leur trouver une autre punition, personne ne se serait refusé à les sauver de cette peine terrible et répugnante qui n’a jamais ramené au bien une âme portée au mal, et qui en a endurci des milliers naturellement peut-être portées au bien.

M. Dennis, qui avait été, lui, élevé et nourri dans les principes de notre bonne vieille école, et qui avait administré nos bonnes vieilles lois d’après notre bon vieux système, toujours au moins une fois ou deux par mois, et cela depuis longtemps, supportait tous ces appels à sa pitié en véritable philosophe. À la fin pourtant, comme ces cris répétés le troublaient dans sa jouissance, il frappa avec sa canne à l’une des portes en criant :

« Dites-moi, voulez-vous me faire le plaisir de vous taire ? »

Là-dessus, ils se mirent tous à vociférer qu’ils allaient être pendus le surlendemain, et renouvelèrent leurs supplications pour obtenir son aide.

« Mon aide ! pour quoi faire ? dit M. Dennis, s’amusant à cogner sur les doigts de la main qui se trouvait à la grille de la cellule la plus voisine.

— Pour nous sauver, crièrent-ils.

— Oh ! certainement, dit M. Dennis en clignant de l’œil au mur en face, faute d’avoir un autre compagnon à qui faire partager sa belle humeur de cette plaisanterie goguenarde. Et vous disiez donc, camarades, qu’on doit vous exécuter ?

— Si nous ne sommes pas relâchés ce soir, cria l’un d’eux, nous sommes des hommes morts.

— Tenez, je vais vous dire ce que c’est, reprit le bourreau gravement. J’ai peur, mon ami, que vous ne soyez pas dans cet état d’esprit qui convient à votre condition, d’après ce que je vois. On ne vous relâchera pas, ne comptez pas là-dessus…. Voulez-vous finir ce tapage indécent ? Je m’étonne que vous ne soyez pas honteux : moi, je le suis pour vous. »

Il accompagna ce reproche d’un bon coup de canne sur les dix doigts de chaque cellule, l’une après l’autre, après quoi il alla reprendre son siége d’un air enchanté,

« Comment ! vous avez des lois ? dit-il en se croisant les