Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/227

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sa connaissance, fini par retrouver ; qu’on ne perdrait pas de vue sa déclaration, qu’on la recommanderait particulièrement dans les instructions transmises aux chefs de la police et à ses plus infimes agents ; qu’on ne négligerait rien de ce qu’on pourrait faire en sa faveur, et qu’on y apporterait toute la bonne volonté et la constance qu’il avait droit d’espérer.

Reconnaissant de ces bonnes paroles, quelque peu rassurantes que fussent ses démarches antérieures, et sans se faire illusion sur l’espérance qu’il en devait concevoir pour le sujet de peine dont son cœur était dévoré, remerciant pourtant le ministre du fond du cœur pour l’intérêt qu’il lui témoignait dans son malheur et qu’il paraissait si bien ressentir, M. Haredale se retira. Il se trouva, à l’entrée de la nuit, seul dans les rues, sans savoir seulement où aller reposer sa tête.

Il entra dans un hôtel près de Charing-Cross, pour demander quelque rafraîchissement et un lit. Il s’aperçut que son air fatigué et abattu attirait l’attention de l’aubergiste et de ses serviteurs. Il eut l’idée que peut-être ou supposait qu’il n’avait pas le sou ; il tira sa bourse et la mit sur la table. « Ce n’est pas cela, lui dit l’aubergiste d’une voix troublée. » Il craignait seulement que monsieur ne fût une des victimes de l’émeute, auquel cas il n’oserait risquer de le recevoir chez lui. Il était père de famille, et il avait déjà reçu deux avertissements de prendre garde aux hôtes qu’il admettrait dans son hôtel. Il en était bien fâché, et il en demandait bien pardon à monsieur, mais il ns pouvait faire autrement.

Non. M. Haredale le sentait mieux que personne ; c’est ce qu’il lui dit en quittant sa maison.

Comprenant qu’il aurait dû s’y attendre, d’après ce qu’il avait vu le matin à Chigwell, où pas un homme n’avait osé toucher à une bêche, en dépit de ses offres libérales, pour venir fouiller les ruines de sa maison, il prit par le Strand, trop fier pour s’exposer encore à un refus, et d’un esprit trop généreux pour vouloir envelopper dans son chagrin ou sa ruine quelque honnête commerçant qui aurait été assez faible pour lui donner asile. Il errait donc dans une des rues parallèles à la Tamise, marchant au hasard, d’un air soucieux, et pensant à des choses bien anciennes dans son sou-