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Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/369

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de ses amis, qu’il n’était pas si bête que de se laisser mettre dedans, malgré les efforts extraordinaires qu’elle et toute sa famille faisaient pour l’attirer. »

Ici elle s’arrêta pour attendre une réplique, et, n’en recevant pas, elle reprit sa course :

« J’ai aussi entendu dire, ma’ame, qu’il y avait des dames dont toutes les maladies n’étaient que des simagrées, et qu’elles savent tomber évanouies, roides comme mortes, toutes les fois que la fantaisie leur en prend. Vous pensez bien que ce n’est pas moi qui ai jamais rien vu de pareil de mes propres yeux…. non, non. Hé ! hé ! hé ! ni les bourgeois non plus…. non, non. Hé ! hé ! hé ! J’ai encore entendu des voisins faire la remarque qu’il y a quelqu’un de leur connaissance, une bonne pâte de pauvre nigaud d’homme, qui est allé un jour à la pêche pour en rapporter une femme, et qui n’a attrapé qu’un pied de nez. Vous pensez bien que moi, personnellement, je n’ai jamais, que je sache, rencontré cette personne-là, ni vous non plus, ma’ame…. non, non ! Je me demande qui ce peut être…. qu’en dites-vous, ma’ame ? Je suis sûre que vous n’en savez pas plus long que moi. Oh ! peut-être que si. Hé ! hé ! hé ! »

Autre pause de Miggs, attendant encore une réplique. La réplique ne vient pas, et alors elle est tellement gonflée de dépit et de douleur qu’elle se sent prête à éclater.

« Cela me fait bien plaisir de voir rire Mlle Dolly, cria-t-elle en riant elle-même du bout des dents. J’aime beaucoup à voir rire les gens…. et vous aussi, n’est-ce pas, ma’ame ? Cela vous a toujours fait plaisir de voir les gens de bonne humeur, n’est-ce pas, ma’ame ? Aussi avez-vous toujours fait tout ce que vous pouviez pour entretenir ces dispositions folâtres, n’est-ce pas, ma’ame ? Ce n’est pourtant pas qu’il y ait tant de quoi rire, au bout du compte qu’en dites-vous, ma’ame ? Ce n’est pas le Pérou, après avoir tant fait sa revêche quand elle n’était encore qu’une poupée, après avoir tant dépensé de toilette et d’affiquets, ce n’est déjà pas le Pérou de gagner à la loterie un pauvre diable de pioupiou, et manchot, encore, n’est-ce pas, ma’ame ? Hé ! hé ! ce n’est pas moi, toujours, qui voudrais d’un mari manchot. Je voudrais, au moins, qu’il eût ses deux bras. Deux bras, ce n’est pas de trop,