Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/67

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pas seulement délibérer sur le parti que leur conseillait la prudence dans une pareille extrémité, ni s’animer les uns les autres à une résistance noble et ferme. Chaque fois qu’il arrivait un membre, les habits en désordre et les cheveux épars, cherchant à percer, à son corps défendant, la foule du couloir, on était sûr d’entendre pousser un cri de triomphe, et, au moment où la porte de la chambre entr’ouverte avec précaution pour le faire entrer, laissait jeter à la foule un regard rapide sur l’intérieur, ils en devenaient plus sauvages et plus farouches, comme des bêtes fauves qui ont vu leur proie, et ils faisaient contre les battants du portail une poussée à rompre les serrures et les verrous dans leurs gâches et à ébranler jusqu’aux solives du plafond.

La galerie des étrangers, placée immédiatement au-dessus de la porte de la chambre, avait été fermée par ordre à la première nouvelle des troubles, et par conséquent elle était vide. Seulement lord Georges allait s’y asseoir de temps en temps pour être plus à portée d’aller au haut de l’escalier qui y aboutissait, pour répéter au peuple ce qui se faisait à l’intérieur. C’est sur cet escalier qu’étaient postés Barnabé, Hugh et Dennis. Il y avait deux montées de marches, courtes, hautes, étroites, parallèles l’une à l’autre, et conduisant aux deux petites portes communiquant avec un passage bas qui ouvrait sur la galerie. Entre elles deux était une espèce de puits ou de jour sans vitres pour faire circuler l’air et la lumière dans le couloir, qui pouvait bien avoir de dix-huit à vingt pieds de profondeur.

Sur un de ces petits escaliers, non pas celui où se montrait en haut, de temps en temps, lord Georges, mais l’autre, se tenait Gashford, le coude appuyé sur la rampe, la tête posée sur sa main, avec l’expression d’astuce qui lui était familière. Chaque fois qu’il changeait le moins du monde cette attitude, ne fût-ce que pour remuer doucement le bras, vous étiez sûr d’entendre un redoublement de cris furieux, non-seulement là, mais dans le couloir au-dessous, où il faut croire qu’il y avait un homme en vedette à examiner constamment ses moindres mouvements.

« À l’ordre ! cria Hugh d’une voix de stentor qui domina l’émeute et le tumulte, en voyant apparaître lord Georges sur l’escalier. Des nouvelles ! milord apporte des nouvelles ! »