Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/91

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Mme Varden resta toute tremblante de peur, en lui voyant prendre dans ses mains la sauvegarde, la déchirer en mille morceaux et les jeter dans l’âtre.

« Vous ne voulez pas vous en servir ? dit-elle.

— M’en servir ! cria le serrurier. Oh ! que non ! Ils peuvent venir, s’ils veulent, nous écraser sous notre toit renversé, brûler notre maison, notre cher logis : je ne veux pas plus de la protection de leur chef que je ne veux inscrire leur hurlement d’antipapisme sur ma porte, quand ils devraient me fusiller. M’en servir ! Qu’ils viennent, je les en défie. Le premier qui descend le pas de ma porte pour ça ne le remontera pas si vite. Que les autres fassent ce qu’ils voudront, mais ce n’est pas moi qui irai mendier leur pardon ; non, non, quand on me donnerait autant d’or pesant que j’ai de fer dans ma boutique. Allez vous coucher, Marthe. Moi, je vais descendre les volets et me mettre au travail.

— Si matin ? lui dit sa femme.

— Oui, répondit gaiement le serrurier, si matin. Ils peuvent venir quand ils voudront, ils ne me trouveront pas à me cacher et à fouiner, comme si nous avions peur de prendre notre part de la lumière du jour, pour la leur laisser tout entière. Ainsi, bon sommeil, ma chère, et de bons rêves que je vous souhaite. »

En même temps il donna un baiser cordial à sa femme, en lui recommandant de ne pas perdre de temps, sans quoi il serait l’heure de se lever avant qu’elle fût seulement couchée. Mme Varden monta l’escalier, d’une humeur douce et aimable, suivie de Miggs, qui n’était pas non plus si revêche ; mais, malgré ça, elle ne pouvait s’empêcher, tout le long du chemin, d’avoir des quintes de toux sèche, des reniflements et des hélas ! en levant les mains au ciel, comme pour dire, dans son profond étonnement : « C’est égal, la conduite de notre maître est bien hardie. »