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vous raconter une histoire… avec la permission de lady Dedlock. »

Milady concède la permission demandée, et Volumnia est ravie.

« Une histoire ! Il va enfin raconter quelque chose ; une légende, avec un revenant.

— C’est au contraire une histoire où il ne s’agit que de personnages très-réels, miss Dedlock, très-réels, répète le procureur avec une certaine emphase greffée sur sa monotonie accoutumée. Il y a peu de temps, sir Leicester, que ces détails me sont connus ; le récit en est court et appuiera les paroles que je disais tout à l’heure. Je supprime les noms, quant à présent, et j’espère que milady ne m’en saura pas mauvais gré. »

À la lueur du foyer, on peut le voir se tourner vers la fenêtre, où l’on distingue, à la clarté de la lune, les traits parfaitement calmes de lady Dedlock.

« Un compatriote de ce M. Rouncewell, continue l’avoué, un homme exactement placé dans la même position, eut le bonheur d’avoir une fille qui attira sur elle l’attention d’une grande dame ; non pas d’une grande dame par rapport à lui, mais dans toute la force du terme, car c’était l’épouse d’un gentleman qui occupait dans le monde un rang égal au vôtre, sir Leicester. Cette dame, belle et riche, avait pris la jeune fille en affection et la gardait presque toujours auprès d’elle ; mais la grande dame cachait sous sa noble fierté un secret qui s’y était conservé pendant bien des années. Elle avait été promise autrefois à un mauvais sujet, capitaine dans je ne sais plus quelle arme, franc vaurien, dont personne n’a conservé le souvenir. Elle ne l’épousa pas ; mais elle devint mère d’un enfant dont ce capitaine était le père. »

On peut voir, à la flamme mourante du foyer, M. Tulkinghorn se tourner vers la fenêtre, où la lune éclaire le profil pur et calme de lady Dedlock.

« À la mort du capitaine, continue le procureur, la grande dame se crut sauvée ; mais un concours de circonstances imprévues, dont il est inutile de vous entretenir, amena la découverte du secret, dont l’éveil fut donné par une imprudence de cette lady, qui, m’a-t-on raconté, se laissa prendre un jour par surprise, tant il est difficile au plus vigilant d’être toujours sur ses gardes. Je vous laisse à penser quelle fut la colère du mari et quels troubles s’ensuivirent ; mais ce n’est pas là ce qui nous occupe. Lorsque cette découverte parvint aux oreilles du compatriote de M. Rouncewell, il ne permit plus à sa fille de rester