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— Et pourquoi ne l’a-t-elle pas épousé ? dites-le-moi, je vous en prie.

— Elle ne le confia jamais à personne. Mon pauvre ami, désespéré, en fut réduit aux conjectures, et supposa que, blessée dans sa fierté par l’événement qui l’avait séparée de sa sœur, elle avait pris le parti de ne plus reparaître dans le monde ; car, en lui annonçant qu’il ne la reverrait jamais, elle ajoutait que cette résolution lui était imposée par le sentiment du devoir envers un galant homme, dont elle connaissait la susceptibilité en fait d’honneur, susceptibilité qu’elle partageait, et qu’elle conserverait jusqu’à sa mort. Je ne sais pas si elle vit toujours ; mais elle a tenu parole ; et depuis cette époque, non-seulement il ne l’a pas revue, mais personne n’a même entendu parler d’elle.

— Oh ! mon Dieu, m’écriai-je, que de chagrins n’ai-je pas causés !

— Vous, ma pauvre Esther !

— Bien innocemment, tuteur ; et cependant cette recluse dont j’ai gardé le souvenir…

— Non, non, s’écria M. Jarndyce en tressaillant.

— Celle qui m’a élevée enfin, c’était elle, et sa sœur est ma mère. »

J’aurais voulu lui dire tout ce que contenait la lettre que j’avais brûlée à Chesney-Wold ; mais il refusa de l’entendre au moins quant à présent, et me parla avec tant de sagesse et de bonté, qu’il me sembla que jamais je n’avais encore ressenti pour lui autant d’affection que j’en éprouvais alors. Il me reconduisit jusqu’à la porte, où il m’embrassa ; et je pensai avant de m’endormir que je ne serais jamais assez dévouée, assez utile aux autres, assez oublieuse de moi-même pour lui prouver ma gratitude et ma tendresse.


CHAPITRE XIV.

La lettre et la réponse.

Le lendemain matin, mon tuteur m’appela dans sa chambre, et je lui racontai ce qui me restait à lui confier. Nous n’avions pas autre chose à faire, me dit-il, que de garder le secret et