Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/175

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des moyens à employer pour le sortir de la fange ! Est-ce de vive force qu’on le fera rentrer dans la voie commune, ou s’en tiendra-t-on à de simples mesures administratives ? faut-il s’en rapporter à l’Église ou l’abandonner à l’influence des laïques ? sera-t-il exproprié ? l’enfermera-t-on pour l’instruire, ou cassera-t-il des pierres sur les routes ? Et pendant que les théories s’agitent, le vieux Tom croupit dans l’abîme où il s’enfonce de plus en plus.

Mais il a sa vengeance, que les vents eux-mêmes se chargent de répandre. Il n’est pas une goutte de son sang corrompu qui ne porte quelque part la contagion et la mort. Cette nuit, il souillera les veines de quelque illustre famille, et Sa Grâce ne pourra pas dire : « Non ! » ni repousser l’infâme alliance. Il n’est pas un atome de sa bave, pas une molécule de l’air pestilentiel qu’il respire, pas une de ses infamies et de ses douleurs, de ses misères, de ses impuretés qui ne rejaillisse sur tous et n’aille, à travers les différentes couches de l’ordre social, atteindre l’être le plus fier de son rang et de ses titres. Oh ! je vous le dis, Tom all-Alone’s est vengé par la souillure qu’il impose, par son ignorance même, sa dégradation et ses crimes.

On se demande s’il est plus hideux la nuit que le jour ? Mais ce qu’il y a de certain, c’est que, plus on le voit, plus on le trouve repoussant ; et mieux vaudrait, pour l’honneur de la Grande-Bretagne, que le soleil, qui va bientôt paraître, se couchât quelquefois sur les possessions anglaises que de jamais se lever sur une semblable monstruosité.

Un gentleman, qui préfère sans doute errer à l’aventure, plutôt que de compter les heures dans un lit où il ne peut dormir, traverse Tom-all-alone’s au point du jour ; il s’arrête souvent et regarde autour de lui avec surprise. Ce n’est pas la curiosité seule qui l’attire, car l’intérêt et la pitié brillent au fond de ses yeux noirs. Il paraît, d’ailleurs, comprendre cette misère, et l’avoir étudiée depuis longtemps.

De chaque côté du cloaque fétide qui forme la rue principale de cet endroit infâme, les maisons délabrées sont silencieuses. Personne ne bouge ; tout dort, excepté lui. Cependant une femme est assise sur les marches d’une porte ; il l’aperçoit et se dirige de ce côté. En s’approchant, il croit voir qu’elle a fait une longue route : ses pieds sont couverts de boue ; l’un d’eux est enveloppé de linges ; elle a près d’elle un paquet et sommeille peut-être, car elle ne paraît pas entendre les pas qui s’avancent. Lorsqu’il arrive auprès de cette femme, Allan Woodcourt la regarde et s’arrête.