Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/179

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Jo, tout étonné de ce qu’il entend, porte ses mains crasseuses à son front, ouvre de grands yeux et tremble de la tête aux pieds.

« Richard m’avait parlé de tout cela, » dit M. Woodcourt d’une voix émue. Il se détourne pour dissimuler son trouble, et s’adressant à Jo quand il a repris son sang-froid : « Vous avez entendu ce qu’elle vient de dire ; c’est la pure vérité ; relevez-vous et répondez, Jo ; êtes-vous revenu ici depuis cette époque ? »

Jo hésite un instant, puis il se lève avec embarras et lenteur, et se tient debout comme le font tous ses pareils, en appuyant son épaule contre la vieille palissade, en frottant sa main droite sur sa main gauche et son pied gauche sur son pied droit.

« Que j’sois pendu si j’ai r’venu à Tom-all-alone’s avant c’matin, dit-il d’une voix enrouée.

— Pourquoi y revenez-vous ? » lui demande M. Woodcourt.

Jo regarde autour de lui, sans lever les yeux plus haut que les genoux de son interlocuteur, et finit par répondre :

« J’n’sais rin faire, et j’peux pas trouver queuqu’chose à gagner ; j’suis si pauvre et si malade ! alors j’ai pensé comme ça que j’allais reveni’m’cacher ici jusqu’à c’soir, pendant qui gn’a personne ; et qu’à la nuit j’m’en irais demander queuque petite chose à m’sieur Sangsby ; i’m’a toujours donné, lui ; quoique ma’ame Sangsby, elle est tout comme les autres, et me chasse quand é’me voit.

— D’où venez-vous ? » demande encore M. Woodcourt.

Jo recommence à regarder autour de lui, et s’appuie de profil sur la palissade avec résignation.

« Je vous ai demandé d’où vous venez, répète M. Woodcourt, m’avez-vous entendu ?

— D’traîner sur les routes, dit Jo.

— Et comment avez-vous pu quitter cette maison, où cette jeune lady avait eu la bonté de vous emmener ? »

Jo sort tout à coup de son abattement, et déclare avec irritation qu’il n’a rien su de ce qui est arrivé à la jeune miss, qu’il aurait mieux aimé se faire couper par morceaux que de lui donner sa maladie, et entremêle ses paroles de sanglots.

« Voyons, reprend M. Woodcourt, dites-moi où vous êtes allé en quittant cette jeune lady.

— Mais c’est pas moi qui m’ai en allé ; on m’a emmené de force, et voilà. »

Jo, craignant d’être entendu, regarde partout avec inquiétude, comme si l’objet de sa terreur avait pu se cacher dans les décombres.