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Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/190

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« Comment vous trouvez-vous, mon pauvre Jo ? lui demande le papetier en toussant de compassion.

— J’suis dans un’fameuse passe, m’sieur Sangsby ; j’ai tout’c’qu’i m’faut ; si vous saviez comme j’suis ben ! Ah ! m’sieur Sangsby, qu’j’ai de chagrin de c’que j’ai fait ; mais pour sûr j’n’y allais pas pour ça. »

Le papetier pose sur la table un autre petit écu, et lui demande ce qu’il a fait pour avoir tant de chagrin.

« M’sieur Sangsby, j’suis été comm’ça chez une lady, qu’était pas l’autr’que vous savez, mais une lady tout d’même, et j’y ai donné mon mal ; i’n’m’en ont seulement rin dit ; cause qui’sont si bons et moi si malheureux ; all’est venue me voir hier, et qu’elle a dit comme ça : « Mon pauvre Jo ! qu’elle a dit, nous vous croyions perdu. » Et qu’elle s’est assise près de mon lit en m’souriant ; et pas un’parole, pas un regard pour me reprocher c’que j’avais fait ; et qu’alors moi, je m’a tourné cont’le mur, monsieur Sangsby ; et M. Jarndyce s’est r’tourné tout comme moi, et pis M. Woodcot a venu pour me donner queuqu’chose qui m’soulage, comm’y fait jour et nuit ; et quand i’s’est penché en m’parlant pour faire l’brave, j’ai ben vu ses larmes qui tombaient sur mon lit, monsieur Sangsby. »

Le papetier dépose un troisième petit écu à côté des deux autres, dans l’espoir que la répétition de ce remède infaillible soulagera son propre cœur.

« Alors j’ai pensé comme ça, m’sieur Sangsby, continue Jo, qu’vous saviez p’-t’être écrire ben gros.

— Sans doute, mon pauvre ami.

— Mais là, ben gros, ben gros, répète le pauvre enfant avec chaleur.

— Tout ce qu’il y a de plus gros, mon garçon. »

Jo se met à rire.

— C’est qu’voyez-vous, m’sieur Sangsby, v’là c’que’j’veux vous demander : quand j’vas avoir fini d’circuler, et que j’s’rai où c’qu’on n’peut pas aller pus loin, vous aurez la bonté, n’est-c’pas, d’écrire ben gros, si gros qu’tout l’monde puisse le voir, comme quoi j’ai eu tant d’chagrin d’l’avoir fait, et qu’j’avais pas été chez elle avec l’idée d’lui faire du mal ; et que je l’savais pas ; et vous mettrez qu’j’ai vu M. Woodcot en pleurer ; et qu’j’espère qu’i’voudra ben m’pardonner ; et si l’écrit où qu’vous direz tout ça est ben gros, et qu’tout l’monde puisse le voir, j’suis sûr qu’i’m’pardonn’ra.

— Je le ferai, Jo ; et soyez tranquille, j’écrirai le plus gros possible.