dre, épuisé par l’effort qu’il vient de faire pour répondre à M. Woodcourt, retombe dans sa torpeur, et se réveille quelques instants après en cherchant à sortir de son lit.
« Qu’avez-vous encore, Jo ?
— Il est temps que j’parte, m’sieur, pour aller au cemetière.
— À quel cimetière, Jo ? Restez tranquille et recouchez-vous.
— À l’endret où c’qu’ils l’ont porté, lui qu’était bon pour moi ; faut que j’parte, m’sieur ; il est temps ; qu’j’aille là-bas qu’on m’enterre ; j’demanderai qu’on m’mette à côté d’lui. I’m’disait comm’ça : « J’suis aussi pauv’que toi aujourd’hui, » qu’i’m’disait ; j’vas l’y dire à mon tour, qu’à présent j’suis aussi pauv’que lui, et qu’j’ai venu au cimetière pour êt’couché auprès d’lui.
— Pas encore, Jo, pas encore.
— P’t-êt’ben qu’i’n’le feraient pas si j’y allais tout seul ; mais vous viendrez avec moi, et vous m’ferez met’auprès de lui ; est-ce pas, m’sieur Woodcot ?
— Je vous le promets, Jo.
— Merci, m’sieur, merci ben. Faudra qu’ils aillent chercher la clef de la porte avant d’me faire entrer, pa’c’que all’est toujours fermée ; gn’y a un’marche devant, qu’j’avais coutume de balayer… Comm’ i’ fait noir, m’sieur Woodcot ; y a-t-i’ d’ la lumière qui va v’nir ?
— Oui, Jo ; elle approche.
— La route est ben rude ; mais v’là qu’ j’arrive au bout.
— Jo, mon pauvre ami !
— J’vous entends, m’sieur Woodcot ; mais j’vous vois pas ; j’suis à tâtons ; laissez-moi prend’ vot’ main.
— Jo, voulez-vous répéter ce que je vais dire ?
— Oui, m’sieur ; car c’est bon pour le sûr.
— Notre Père.
— Notre Père ! Oui, c’est bon, m’sieur Woodcot.
— Qui êtes aux cieux.
— Aux cieux… C’est i’la lumière qui vient ?
— Elle est tout près, Jo. Que votre nom soit sanctifié.
— Sanc-ti-fié. »
La lumière vient dissiper enfin les ténèbres de sa route ; il est mort ! Entendez-vous, Majesté, il est mort ! milords et gentlemen, révérends de toutes les églises, il est mort ! Hommes et femmes à qui le ciel a mis la compassion au cœur, il est mort ! et chaque jour il en meurt ainsi, combien ! autour de nous.