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qu’un souvenir que je vous offre de bon cœur ; c’est là tout son mérite. »

Le présent de M. Georges est salué des bonds joyeux et des applaudissements de la jeune famille, et accueilli avec une sorte d’admiration respectueuse de la part de Lignum. « La vieille, dit-il, exprime-lui ce que j’en pense.

— Mais c’est une merveille, Georges ; la plus jolie chose qu’on puisse voir, s’écrie mistress Bagnet.

— Très-bien, dit Lignum ; tout à fait mon opinion.

— C’est charmant, Georges, poursuit l’excellente femme en tournant l’épingle de tous les côtés ; vraiment, c’est trop joli pour moi !

— Mauvais, dit Lignum ; ce n’est pas là mon avis.

— Mais, n’importe, mon vieux camarade ; mille remercîments, reprend mistress Bagnet en donnant une poignée de main au sergent ; car bien que j’aie été quelquefois un peu rude envers vous, comme une vieille femme de soldat que je suis, nous n’en sommes pas moins les meilleurs amis du monde ; et maintenant, Georges, attachez-moi votre épingle, ça me portera bonheur. »

Les enfants se pressent autour de leur mère pour voir accomplir cette manœuvre importante ; et M. Bagnet regarde de son côté par-dessus la tête de Woolwich d’un air à la fois si grave et si plaisamment enfantin, que la vieille ne peut s’empêcher de rire en lui disant :

« Mon brave Lignum ! quelle bonne figure tu nous fais là ! »

Mais le sergent ne peut pas en venir à bout ; sa main tremble, il a mal aux nerfs et la broche lui échappe.

« Qui le croirait ? dit-il en ramassant l’épingle ; je suis si peu dans mon assiette, que je ne peux pas même faire la chose du monde la plus simple. »

Mistress Bagnet pense que le meilleur remède à cela est de fumer une ou deux pipes ; et, attachant l’épingle en un clin d’œil, elle installe le sergent à la petite place qu’il choisit d’habitude, et lui présente tout ce qu’il lui faut pour fumer.

« Si cela ne suffit pas, ajoute l’excellente femme, jetez les yeux de temps en temps sur votre joli cadeau, et cela, joint à la pipe, vous remettra complétement.

— Je ne doute pas que vous n’y réussissiez, mistress Bagnet, répond l’ancien soldat ; mais, comme je vous le disais tout à l’heure, je suis dans mes humeurs noires. Il m’a été si pénible de voir mourir ce pauvre Jo sans pouvoir le secourir !

— Vous avez fait au contraire tout ce que vous avez pu, Georges ; vous l’avez recueilli, vous l’avez…