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velle du meurtre de M. Tulkinghorn, et que M. Georges était accusé de l’avoir commis ; il ajouta que sir Leicester avait promis une forte récompense à qui découvrirait le meurtrier ; je ne compris pas d’abord dans quel intérêt, mais je sus bientôt que la victime était l’avoué du baronnet, et je fus incapable, pendant quelques instants, de penser à autre chose qu’à la frayeur que cet homme inspirait à ma mère. Quelle horrible situation pour elle que d’apprendre une pareille mort et de ne pouvoir en ressentir de pitié ! Peut-être même, dans son effroi, avait-elle souhaité que ce vieillard vînt à mourir, et cette pensée devenait effrayante en face de l’événement imprévu qui avait précipité le procureur dans la tombe.

Quand j’eus recouvré assez d’empire sur moi-même pour écouter la conversation, M. Jarndyce et M. Woodcourt s’entretenaient de l’accusé avec chaleur ; et l’intérêt que m’avait toujours inspiré M. Georges éveillant toutes mes craintes à son égard, je ne pus m’empêcher de m’écrier : « N’est-ce pas, tuteur, que vous ne croyez pas qu’il soit coupable !

— Assurément non, chère Esther, répondit-il ; un homme que j’ai toujours vu si franc et si bon ; qui joint à une force athlétique la douceur d’un enfant ; un homme à la fois courageux et sensible, capable d’un tel crime ! Non, non, je ne pourrai jamais le croire.

— Ni moi non plus, ajouta M. Woodcourt ; et cependant, quelle que soit la certitude que nous ayons de son innocence, on ne peut pas se dissimuler qu’il s’élève contre lui des charges d’une extrême gravité. Il ne cachait pas l’irritation que lui inspirait la victime, et s’exprimait à son égard avec une violence dont j’ai moi-même eu la preuve ; il avoue qu’il était seul sur le théâtre de l’assassinat quelques minutes avant l’événement ; je le crois sincèrement innocent, mais l’on ne doit pas s’étonner que le soupçon ait pu l’atteindre.

— Ce serait même lui rendre un fort mauvais service, me dit mon tuteur, que de fermer les yeux sur l’importance de pareils témoignages.

— Mais ce n’est pas un motif pour l’abandonner quand il est dans l’affliction.

— Dieu m’en garde ! répondit M. Jarndyce ; nous ferons pour lui ce qu’il a fait pour les pauvres créatures qu’il a si noblement recueillies. »

M. Woodcourt nous dit alors que l’ouvrier du maître d’armes était venu le trouver au point du jour, après avoir parcouru la ville comme un fou, pour lui dire que l’une des plus vives in-