Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/264

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je ne pourrais affirmer, sir Leicester ; toujours est-il que depuis qu’elle habitait ma maison, elle rôdait continuellement autour de celle de M. Tulkinghorn et persécutait de sa présence importune un malheureux papetier qui faillit en perdre la tête.

— Mensonges que tout cela ! mensonges ! crie Mlle Hortense.

— Le meurtre fut commis, et vous en connaissez les détails, sir Leicester Dedlock. C’est moi qui fus chargé de découvrir l’assassin ; je tenais d’un clerc d’avoué qui demeurait dans la maison de la victime, que Georges s’était querellé plusieurs fois avec M. Tulkinghorn et l’avait même menacé ; d’ailleurs il était sur les lieux au moment où le meurtre fut commis ; et bien que dans mon âme et conscience je n’aie jamais cru qu’il fût coupable, il s’élevait contre lui des charges assez fortes pour que mon devoir m’obligeât de l’arrêter. La soirée s’avançait lorsque je rentrai chez moi, et je trouvai ma locataire soupant avec ma femme ; elle avait toujours témoigné beaucoup d’affection à mistress Bucket ; mais elle se montrait ce soir-là plus empressée que jamais et se confondait en éloges sur cet excellent M. Tulkinghorn dont elle honorait la mémoire ; j’étais en face d’elle, et, par le Dieu vivant, à la manière dont elle tenait son couteau, l’idée me vint tout à coup qu’elle devait être l’auteur du crime.

— Quand je dis que vous êtes le diable ! murmure l’accusée entre ses dents qui grincent.

— Maintenant où avait-elle passé sa soirée, le jour du meurtre, poursuit M. Bucket ? Elle était allée au spectacle, disait-elle. Et c’était vrai, j’ai depuis constaté qu’elle y était avant l’assassinat et après. Je compris tout de suite à qui j’avais affaire ; et tout en courant, je me traçai un plan de campagne entièrement neuf, et qui devait réussir. Lorsque nous fûmes couchés, la maison étant petite et cette étrangère ayant l’oreille très-fine, je bâillonnai ma femme avec la couverture, de peur qu’elle ne laissât échapper quelque mot d’étonnement, et je lui fis part de ce que j’avais résolu… ayez la bonté de rester tranquille, ma chère, ou je me verrais forcé de vous garrotter les jambes un peu au-dessus de la cheville ; et, ce disant, M. Bucket s’était porté tout doucement vers Mlle Hortense et lui avait appliqué sa lourde main sur l’épaule.

— Qu’est-ce que vous avez ? lui demande-t-elle.

— Ce que j’ai ? reprend M. Bucket, toujours en se servant pour auxiliaire de son index persuasif, n’ayez plus l’idée de vous jeter par la fenêtre. Voilà ce que j’ai. Rasseyez-vous, je vais