Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/287

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de tête encourageant ; plus vous serez calme, et mieux cela vaudra pour tout le monde. »

Il était vraiment bon et attentif pour moi, et tandis qu’il chauffait les semelles de ses bottes en se frottant la figure de son index, je me sentis rassurée par sa physionomie pleine de sagacité. Un moment après, j’entendis une voiture s’arrêter à la porte ; il était deux heures moins un quart ; M. Bucket m’offrit son bras et me conduisit à un phaéton attelé de deux chevaux de poste, m’installa dans l’intérieur et monta sur le siége ; l’un des agents lui remit une lanterne sourde qu’il lui avait demandée, il dit quelques mots au postillon et nous partîmes.

Je croyais rêver ; nous allions tellement vite et nous franchissions des rues si tortueuses et qui m’étaient si peu familières, que je ne savais plus où je me trouvais ; tout ce que je puis dire, c’est que nous traversâmes plusieurs fois la Tamise et qu’il me sembla que nous descendions au bord de l’eau, que nous étions entourés de bassins, de ponts volants, d’entrepôts de mâts et de navires ; à la fin, nous nous arrêtâmes dans un endroit vaseux que le vent de la rivière n’avait pas désinfecté. À la lueur de sa lanterne, je vis M. Bucket en conférence avec plusieurs individus, qui ressemblaient à la fois à des agents de police et à des mariniers ; sur le mur auprès duquel se tenaient ces hommes, je distinguai le mot : Noyés, et je compris l’affreux soupçon qu’avait conçu M. Bucket ; je fis un violent effort sur moi-même et je parvins à conserver mon sang-froid ; mais je n’oublierai jamais tout ce que j’ai souffert dans cet horrible lieu. Un homme, couvert de boue, ayant un chapeau et de grandes bottes de cuir bouilli, vint parler à M. Bucket ; tous les deux descendirent quelques marches glissantes, et reparurent quelques instants après, essuyant leurs mains sur leurs habits, comme s’ils avaient touché quelque chose de mouillé ; grâce à Dieu, ce n’était pas ce que je craignais ; l’inspecteur de police entra dans un bâtiment qui se trouvait là ; je restai seule avec le postillon, qui marchait auprès de la voiture pour se réchauffer, et il me semblait à chaque instant que la marée montante, dont j’entendais les flots venir se briser contre le mur, allait rejeter le cadavre de ma mère sur la boue du rivage. M. Bucket sortit de la maison en recommandant à ses hommes de veiller avec soin, et remonta sur le siége. « Que tout cela ne vous effraye pas, miss Summerson, me dit-il ; je ne suis venu ici que pour voir par moi-même si tout marchait convenablement. » Et les chevaux repartirent avec la rapidité de l’éclair. Nous nous arrêtâmes une seconde à un autre bureau de police, et nous traversâmes de nouveau la