Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/317

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il se leva ; et tenant à la main son chapeau et son plaid horriblement mouillés, transpercé lui-même jusqu’à la moelle, il tourna le dos au feu, et s’adressant à Mme Snagsby :

« La première chose que j’aie à vous dire, à vous qui possédez assez de charmes… « Croyez-moi, si tous ces attraits, etc… » Vous connaissez la chanson, car vous n’ignorez rien de ce qu’on sait dans la bonne société… À vous donc qui possédez assez de charmes pour qu’ils puissent vous donner confiance en vous-même, je n’ai qu’à vous rappeler ce que vous avez fait jusqu’à présent. »

Mistress Snagsby, que ces paroles effrayèrent, se radoucit un peu et balbutia quelques mots pour demander ce que M. Bucket voulait dire.

« Ce que je veux dire ? répéta-t-il en prêtant une oreille attentive à ce qui se passait dans l’autre chambre relativement à la lettre, dont j’entrevoyais maintenant toute l’importance ; je vais vous l’expliquer, madame. Allez voir jouer Othello ; c’est la tragédie qui vous convient. »

Mme Snagsby demanda pourquoi.

« Parce que vous en viendrez là si vous n’y faites pas attention, répondit M. Bucket. À présent même votre esprit n’est pas libre ; cette jeune dame vous préoccupe. Faut-il vous dire qui elle est ? Voyons ! vous êtes ce qu’on appelle une femme d’intelligence, vous me connaissez ; vous vous rappelez où vous m’avez rencontré la dernière fois que nous nous sommes vus, et de quoi il s’agissait. Eh bien ! cette jeune lady dont on parlait, vous la voyez devant vous. »

Mistress Snagsby parut comprendre beaucoup mieux que moi l’allusion qu’on faisait à ma personne.

« Dur-à-cuire, comme vous le nommiez, ou plutôt Jo, était dans cette affaire, ainsi que Nemo, le copiste : quant à votre excellent mari, il n’en savait là-dessus pas plus que votre grand-père ; il s’y trouvait mêlé seulement par feu M. Tulkinghorn, sa meilleure pratique. Il n’y avait plus dans l’affaire que ces gens dont vous avez vu s’échauffer la bile mal à propos là-bas ; voilà tout. Et une épouse douée de vos charmes ferme les yeux à la lumière, ses yeux brillants, dirai-je, et s’en va frapper contre un mur son front si délicat ! J’en suis honteux pour vous ! (Pendant ce temps-là, j’espérais que M. Woodcourt aurait mis la main sur cette lettre.) »

Mistress Snagsby secoua la tête et porta son mouchoir à ses yeux.

« Et ce n’est pas tout, poursuivit M. Bucket en s’animant.