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melle que c’était pour le bien du cher ange. Vous vous rappelez le petit enfant qu’elle a perdu ? J’ai acheté le consentement des hommes ; mais elle, elle a donné le sien librement. »

— « Je suis venue, » dit M. Bucket. Elle a écrit ces lignes pendant qu’elle se trouvait là-bas. C’est bien cela ; je ne m’étais pas trompé. »

L’autre partie du billet avait été écrite plus tard ; elle était ainsi conçue :

« J’ai marché longtemps ; je suis allée bien loin, et je sens que je vais mourir. Ces rues !… Je n’ai pas d’autre pensée que la mort. Quand je suis partie, j’en avais de plus coupables. J’ai été sauvée du suicide, et je n’ajouterai pas ce crime à tout le reste. Le froid, la neige et la fatigue sont des causes de mort bien suffisantes pour expliquer la mienne ; mais ce n’est pas cela qui me fait mourir, bien que je souffre et que je sois épuisée. Il est juste que toutes les choses qui m’ont soutenue jusqu’à présent m’abandonnent à la fois, et que je sois tuée par le remords et la terreur. »

— Courage, » me dit M. Bucket.

Les quelques mots qui me restaient à lire dataient d’un autre moment ; et, selon toute apparence, ma mère les avait tracés dans l’obscurité.

« J’ai tout fait pour qu’on ne puisse plus me retrouver ; on m’oubliera bien vite, et je serai pour lui un moins grand sujet de honte. Je n’ai rien sur moi qui puisse me faire reconnaître ; je vais donner ce papier à quelqu’un, et tout sera fini. J’ai souvent pensé à l’endroit où je vais me reposer une dernière fois, si du moins je peux me traîner jusque-là. Adieu et pardon. »

M. Bucket me soutint dans ses bras et me posa doucement sur ma chaise.

« Du courage, me dit-il, et ne m’accusez pas d’abuser de votre courage, chère demoiselle ; mais dès que vous en aurez la force, remettez vos souliers et tenez-vous prête à partir. »

Je fis ce qu’il demandait ; mais il me laissa longtemps seule à prier pour ma malheureuse mère. Il était allé retrouver cette pauvre fille auprès de laquelle était toujours le docteur. À la fin celui-ci rentra dans la cuisine avec M. Bucket, en disant que le seul moyen d’obtenir de la malade ce qu’on voulait savoir, était de lui parler avec une extrême douceur. Elle était maintenant assez bien pour répondre ; mais il fallait ne pas l’effrayer pour qu’elle pût rassembler ses souvenirs.

« Comment ce papier lui a-t-il été remis ? Que lui a dit la personne qui le lui a donné, et où allait cette personne ? Voilà ce qu’il nous faudrait savoir, » me dit M. Bucket.