Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/385

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un excellent garçon, fort timide, toujours amoureux de quelque jeune fille, n’osant jamais le dire, et ne sachant pas plus le cacher.

Caroline Jellyby a passé les dernières vacances avec nous, meilleure et plus charmante que jamais ; dansant perpétuellement avec les enfants, comme si la danse n’était pas son métier. Elle a maintenant une voiture et demeure du côté de l’ouest, à deux milles de Newman-Street. Elle est obligée de travailler cruellement, son mari, devenu boiteux, n’étant plus capable de grand’chose ; mais elle est toujours contente de son sort et fait sa besogne de tout son cœur. M. Jellyby va passer toutes ses soirées chez elle, et appuie sa tête contre le mur de la nouvelle maison, comme il faisait dans l’ancienne. J’ai entendu dire que mistress Jellyby avait gémi profondément de l’ignoble mariage de sa fille et de son indigne profession ; mais j’espère qu’elle a fini par oublier cette pensée mortifiante. Elle a eu des désappointements cruels dans la question africaine. Le roi de Borrioboula-Gha, ayant éprouvé le besoin de vendre pour un peu de rhum tous les colons qui avaient résisté au climat, la colonie est à vau-l’eau ; mais Mme Jellyby s’est rattachée à la question des droits politiques de la femme, et Caroline m’a dit que cette mission donnait lieu à une correspondance encore plus volumineuse que celle de Borrioboula-Gha. J’allais oublier la pauvre petite fille de Caroline ; elle a grandi et pris de la force, mais elle est sourde et muette. Je ne crois pas qu’il ait jamais existé de meilleure mère ; et dans ses rares instants de loisir, Caddy apprend une foule de notions à l’usage des sourds-muets, afin d’adoucir le malheur de son enfant.

Pépy est employé à la douane et se conduit à merveille. Le vieux M. Turveydrop, chez qui l’apoplexie est de plus en plus imminente, exhibe toujours les grâces de sa tournure dans les endroits les mieux fréquentés ; il continue à jouir de lui-même ; il inspire toujours une foi profonde à son fils et à sa belle-fille ; et conservant son patronage distingué à Pépy, il fait entendre qu’il lui léguera une pendule française d’un goût élégant qui est dans son cabinet de toilette… et qui ne lui appartient pas.

Nos premières économies furent employées à la construction d’un petit grognoir, exclusivement destiné à mon tuteur, et que nous inaugurâmes avec toute la pompe imaginable. Je m’efforce d’écrire tout cela gaiement ; mais, en dépit de moi-même, j’ai le cœur gros de voir que je touche à la fin de mon récit, et quand je parle de M. Jarndyce, il faut absolument que je laisse couler mes larmes.