Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/51

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ça tellement à cœur ; je pense que l’affaire est moins mauvaise que tu ne le supposes ; il est vrai que j’ai reçu ce matin la lettre que voici ; mais j’espère que tout peut s’arranger. Quant à être une pierre qui roule, je ne dis pas non, et je n’ai jamais fait de bien aux gens qui m’ont trouvé sur leur chemin ; c’est un fait que j’avoue ; mais il est impossible à un vieux vagabond d’aimer ta femme et tes enfants plus que je ne le fais moi-même, et je suis sûr que tu ne m’en voudras pas ; crois bien que je ne vous ai rien caché ; cette lettre m’est arrivée il n’y a pas plus d’un quart d’heure.

— La vieille, murmure M. Bagnet après un instant de silence, dis-lui mon opinion.

— Pourquoi, répond mistress Bagnet, qui rit et qui pleure en même temps, pourquoi ne s’est-il pas marié dans l’Amérique du Nord avec la veuve de Joe Pouch ! il n’aurait jamais été dans pareil embarras.

— La vieille, reprend M. Bagnet, dit les choses comme elles sont. Pourquoi n’as-tu pas fait ce mariage ?

— Bon, bon, répond le troupier, j’espère qu’elle a aujourd’hui un meilleur mari que moi ; toujours est-il que je ne l’ai pas épousée, et que me voilà ici, vous demandant ce que je dois faire. Tout ce que j’ai vous appartient ; dites un mot et je vendrai jusqu’à la dernière cartouche ; il y a longtemps que je l’aurais fait, si j’avais cru pouvoir en tirer la somme dont j’ai besoin ; ne va pas croire que je te laisserai mettre dans la peine, mon vieux Mat ! je me vendrais plutôt d’abord. Si je pouvais seulement connaître quelqu’un qui voulût acheter un vieux mousquet de hasard tel que moi ! dit le maître d’armes en se donnant dans la poitrine un coup de poing méprisant.

— La vieille, murmure Lignum, dis-lui mon opinion.

— Georges, reprend l’excellente femme, il n’y a pas de quoi vous blâmer absolument, si ce n’est que vous avez eu tort d’entreprendre cette affaire sans en avoir les moyens.

— Je n’en ai jamais fait d’autres, répond le troupier en secouant la tête d’un air contrit ; jamais, vous le savez bien ; et…

— Silence ! interrompt M. Bagnet, la manière dont la vieille te dit mon opinion est exacte ; écoute et tais-toi.

— Vous n’auriez pas dû non plus demander la garantie, Georges ; et à tout prendre on aurait dû vous la refuser ; mais ce qui est fait est fait, il n’en faut plus parler ; vous serez toujours un brave garçon, plein d’honneur et de probité, quoiqu’un peu trop léger ; d’un autre côté, vous pouvez bien admettre qu’il est tout naturel que nous soyons inquiets avec trois en-