Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/58

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

«  Je n’ai rien à vous dire, reprend l’avoué ; quand on fait des dettes, il faut les payer ou en subir les conséquences ; je suppose que vous n’aviez pas besoin de venir ici pour l’apprendre. »

Le sergent est désolé, mais il n’a pas la somme nécessaire.

« Très-bien, dit le procureur ; l’autre payera pour vous, cet homme-là, si c’est lui. »

Le sergent est de plus en plus désolé ; mais l’autre individu n’a pas d’argent non plus.

«  Très-bien, reprend encore l’avoué ; vous payerez à vous deux, sinon vous serez poursuivis et condamnés ensemble. Vous avez eu la somme, vous devez la restituer. On ne peut pas empocher l’argent des autres et sortir de là sans payer son écot. »

M. Tulkinghorn s’assied dans son fauteuil et attise le feu. M. Georges espère qu’il aura la bonté de…

«  Je vous répète, sergent, que je n’ai rien à vous dire, poursuit l’avoué ; je n’aime pas les gens dont vous faites votre société, et je n’ai pas besoin que vous veniez ici. La chose dont vous me parlez n’est pas du tout de mon ressort. M. Smallweed est bien bon de m’envoyer cette affaire ; mais je ne m’occupe pas de ça ; allez dans Clifford’s-Inn trouver Melchisédech.

— Pardonnez-moi, monsieur, reprend l’ancien sergent, d’insister encore, après ce que vous venez de dire, sur un sujet qui m’est aussi pénible qu’il vous est désagréable ; mais voudriez-vous m’accorder une minute d’entretien particulier ? »

M. Tulkinghorn quitte son fauteuil, et, les deux mains dans les poches, se dirige vers l’embrasure d’une fenêtre.

«  Dépêchez-vous, dit-il, car je n’ai pas de temps à perdre. »

Au milieu de la parfaite indifférence qu’il simule, le procureur jette un regard pénétrant sur le troupier, qu’il a eu soin de placer en face du jour auquel il tourne le dos.

«  Je me dépêche, monsieur, répond le sergent ; cet homme qui m’accompagne est celui qui est avec moi dans cette malheureuse affaire ; nominalement, toutefois, et rien de plus ; mon seul désir est d’empêcher qu’on ne l’inquiète à cause de moi ; c’est un homme respectable, ayant femme et enfants, un ancien artilleur qui…

— Mon ami, je ne me soucie pas plus de l’artillerie tout entière que d’une prise de tabac, dit le procureur.

— C’est possible, monsieur ; mais il m’importe infiniment que Bagnet, sa femme et ses enfants, n’aient pas à souffrir à cause de moi ; et si je pouvais les tirer de ce mauvais pas en vous donnant ce que vous me demandiez l’autre jour, monsieur, je n’hésiterais pas à le faire.