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qu’on assumait en encourageant ce pauvre Richard à suivre la voie déplorable où il était engagé.

« La responsabilité, miss Summerson, me répondit ce vieil enfant, c’est un mot qui n’est pas fait pour moi ; je n’ai jamais été responsable de rien, et ne pourrai l’être de ma vie.

— Chacun n’est-il pas obligé de répondre de ses actes ? répliquai-je avec un certain embarras.

— Mais tout le monde est obligé d’être solvable, et moi je ne le suis pas, » répondit-il en riant. Puis il ajouta en tirant de sa poche une poignée de petite monnaie : » Vous voyez cet argent, miss Summerson, combien ça fait-il, je n’en sais rien ; je n’ai jamais su compter ; on me dit que cela ne suffit pas pour payer tout ce que je dois ; je le suppose ; je devrai toujours autant qu’on voudra bien me prêter. Voilà, en peu de mots, quel est mon caractère ; si c’est là ce que vous appelez répondre de ses actes, je suis très-responsable de tout ce que vous voudrez. »

L’aisance avec laquelle il me disait ces paroles me fit penser qu’effectivement il ne comprenait pas le mot que j’avais employé. Je n’en persistai pas moins à lui dire que j’espérais lui voir user de son influence sur Richard pour le détourner de la route qu’il voulait suivre, et je lui demandai surtout de ne pas le confirmer dans ses tristes illusions.

« Très-volontiers, répondit-il ; mais, chère miss, la chose est difficile ; j’ignore complétement l’art de feindre, et s’il m’emmène à la Cour en faisant défiler à mes yeux tous ses rêves, et qu’il me dise : « Joignez-vous au cortége, mon excellent ami, » je ferai ce qu’il me dira ; les gens de bon sens agiraient autrement ; mais vous savez que je n’ai pas le sens commun.

— C’est un grand malheur pour Richard, monsieur Skimpole.

— Au contraire, miss Summerson ; supposez-le en compagnie du bon sens, un brave homme, excessivement ridé, horriblement pratique, ayant dans chaque poche la monnaie de dix livres et un memorandum à la main ; bref, quelque chose comme un collecteur d’impôts ; notre jeune ami, qui est expansif, chez qui la poésie déborde comme le parfum d’un lis, dit à son respectable compagnon : « J’aperçois une perspective enchanteresse, un horizon magique ; voyez-vous au loin ces nuages d’or que nous pouvons saisir et vers lesquels je bondis à travers la vallée ? — Du tout, répond le brave homme en frappant notre enthousiaste de son livre de compte, il n’y a là-bas qu’honoraires, fraude, perruques et robes noires. » Quelle chute douloureuse pour notre pauvre Richard ! C’est de la raison, j’en conviens ; mais ce n’en est pas moins désagréable, et je ne m’en