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Page:Dickens - Bleak-House, tome premier.pdf/104

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trâmes : la femme se détourna pour cacher son œil meurtri ; mais personne ne nous souhaita le bonjour.

« Eh bien ! mes amis, comment vous portez-vous ? demanda mistress Pardiggle d’une voix brève et dure qui n’avait rien d’affectueux ; me voilà revenue ; je vous l’avais dit : vous ne pourrez pas me lasser ; j’aime les difficultés, la rude besogne, et je suis fidèle à ma parole.

— Y a-t-i’ encore queuqu’un à entrer avec vous ? grommela entre ses dents l’homme étendu par terre, et qui, sans se relever, posa sa tête sur sa main pour nous regarder fixement.

— Non, mon ami, répondit mistress Pardiggle, qui renversa l’un des escabeaux en s’asseyant sur l’autre.

— C’est que j’trouvons qu’vous n’êtes pas assez d’monde, » dit l’homme sans quitter sa pipe et en promenant sur nous un regard peu bienveillant.

Le fils et la fille se mirent à rire ainsi que deux amis du jeune homme accourus pour nous voir et qui se tenaient debout près de la porte, les deux mains dans leurs poches.

« Vous ne me lasserez pas, braves gens, reprit mistress Pardiggle ; je me fais un jeu de toutes les difficultés, et plus vous rendrez ma tâche pénible, plus vous me la ferez aimer.

— Eh ben ! alors, à vos souhaits ! grogna l’homme à la pipe. J’en ons assez comme ça, et i’faut qu’ça finisse. J’n’en veux pus d’ces libertés qu’on prend dans ma maison ; c’est-i’ que j’sommes un blaireau pour qu’on me r’lance dans mon trou ? Vous v’là encore fourrant vot’nez ici pour faire tout’vos questions comme à vot’habitude. J’vous connaissons et j’savons tout c’que vous v’nez nous dire. Mais pas la peine, j’m’en vas vous l’épargner. Ma fille savonne-t-elle ? Eh ben ! oui, la v’là qui lave ; r’gardez un peu c’t’ eau-là, et flairez-la pour voir ; c’est pourtant c’ que j’ buvons. Comment la trouvez-vous ? qu’ pensez-vous du gin auprès de c’te boisson ? Ma baraque est-elle sale ? Eh ben ! oui, elle est sale, et par elle-même, encore, tout comme elle est malsaine, et cinq enfants qu’ nous avons, qui sont sales et malsains, et condamnés d’avance ; tant mieux pour eux s’ils meurent, et tant mieux pour nous autres. J’ai-t-y lu l’ petit liv’ que vous avez laissé ? Non ; je n’lisons pas les liv’ que vous nous apportez ; y a personne ici qui sache seulement y lire, et quand y en aurait, ça n’ nous conviendrait pas. C’est bon pour un marmot, et j’ sommes pas un enfant ; si c’était vot’ idée de m’laisser une poupée, est-c’ que j’ m’en occuperais ? Maint’nant c’est ma conduite, vous v’nez pour la savoir ? Eh ben ! j’vas vous la dire ; j’ons été soûl trois jours, et