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Page:Dickens - Bleak-House, tome premier.pdf/119

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mais l’entrevue qu’avait M. Guppy avec M. Boythorn était longue et, j’imagine, fort orageuse ; car, bien que la chambre de celui-ci fût assez éloignée, j’entendais s’élever de temps en temps la voix de notre hôte qui mugissait comme le vent dans la tempête et lançait probablement une bordée complète de récriminations et d’injures superlatives.

Enfin M. Guppy rentra, ayant l’air plus déconcerté que jamais par suite de ce bruyant entretien.

«  C’est un vrai Tartare, me dit-il à voix basse.

— Veuillez, monsieur, prendre quelques rafraîchissements, » répondis-je en lui montrant la collation.

Il se mit à table et se prit à aiguiser convulsivement le grand couteau sur la fourchette à découper, en me regardant toujours (ce dont j’étais bien sûre, quoique j’eusse les yeux baissés). L’aiguisement du couteau sur la fourchette durait depuis si longtemps, que je me crus obligée de lever les yeux pour rompre le charme par lequel M. Guppy semblait enchaîné ; immédiatement, en effet, il regarda le plat qui se trouvait en face de lui et se mit à découper.

«  Que vous offrirai-je, mademoiselle ? Ne prendrez-vous pas quelque chose ? me demanda-t-il.

— Merci, monsieur, je ne prendrai rien.

— Comment, je ne puis rien vous offrir ? reprit M. Guppy en avalant précipitamment un verre de vin.

— Rien du tout, monsieur ; je vous ai seulement attendu pour savoir si vous aviez besoin de quelque chose.

— Je vous suis bien reconnaissant, mademoiselle ; j’ai tout ce que je puis désirer… au moins… c’est-à-dire que…. bien au contraire… Il but deux verres de vin l’un après l’autre, et je pensai que je ferais mieux de m’en aller.

— Mille pardons, mademoiselle, me dit-il en se levant à son tour ; mais faites-moi la grâce de m’accorder une minute d’entretien ? »

Ne sachant pas ce qu’il avait à me dire, je consentis à me rasseoir.

«  Sous toutes réserves, n’est-ce pas, mademoiselle ? me demanda M. Guppy avec anxiété, en se rapprochant de ma table.

— Je ne vous comprends pas, monsieur, répliquai-je toute surprise.

— C’est un de nos termes de procédure, mademoiselle ; j’entends par là que soit chez Kenge et Carboy, soit ailleurs, vous ne ferez pas usage, à mon détriment, des paroles que je vais prononcer ; que, dans le cas où cet entretien n’aboutirait à aucun