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l’autre ; des courriers sont expédiés de Chancery-Lane, pour savoir ce qui se passe dans le quartier ; et c’est au milieu de ces émotions diverses que le bedeau arrive à la maison du défunt.

Le bedeau, bien qu’il soit généralement considéré comme une institution ridicule, n’en jouit pas moins en ce moment d’une certaine considération, ne fût-ce qu’en vertu de son privilége d’être admis seul à visiter le cadavre. Le policeman le tient pour un pékin imbécile, un reste des temps barbares où il existait des watchmen[1]. Cependant il le laisse passer comme une chose qui doit être acceptée jusqu’à ce qu’il ait plu au gouvernement d’en décréter l’abolition.

La nouvelle de l’arrivée du bedeau excite au plus haut point l’intérêt de la foule, intérêt qui augmente encore lorsqu’on apprend que l’homme d’église a pénétré dans la maison mortuaire.

Il en sort quelques instants après, et l’émotion, qui a langui dans l’intervalle, redevient plus vive qu’elle n’a jamais été.

Il court le bruit qu’on ne trouve pas de témoin qui puisse fournir le plus petit renseignement sur la personne du défunt. Le bedeau demande à tout le monde qui pourra lui donner quelques détails à ce sujet, et reçoit de tous côtés cette information, qui le rend de plus en plus stupide, à savoir que le fils de mistress Green, expéditionnaire comme le défunt, est le seul qui l’ait connu. Malheureusement, le fils de mistress Green est, depuis trois mois, à bord d’un vaisseau qui est en route pour la Chine ; mais on pense que, par l’entremise des lords de l’amirauté, il n’en est pas moins accessible au télégraphe électrique. Le bedeau entre dans plusieurs maisons, dont il interroge les habitants à huis clos, et irrite le public par cette exclusion, sa lenteur et sa bêtise. Le policeman échange un sourire avec le garçon de café, l’intérêt public se refroidit et la réaction commence. De jeunes voix criardes accusent le bedeau d’avoir fait bouillir un enfant ; des fragments d’une chanson populaire sont chantés en chœur et affirment qu’on a fait de cet enfant du bouillon pour les dépôts de mendicité. Le policeman juge enfin nécessaire de soutenir l’autorité ; il saisit l’un des virtuoses, qu’il relâche dès que cet acte de vigueur a fait fuir tous les autres, mettant pour condition que le gamin videra les lieux, ce qu’il fait immédiatement. L’émotion s’apaise, l’intérêt s’évanouit, et le policeman, à qui un peu plus ou un peu moins d’opium est tout à fait indifférent, continue sa ronde d’un pas lourd et re-

  1. Hommes de guet.