Page:Dickens - Bleak-House, tome premier.pdf/142

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’actif et intelligent bedeau du district, a dit et fait, etc., etc. » Il aspire même à voir le nom de Mooney mentionné avec autant de faveur que celui du bourreau l’a été dans quelques articles récents.

Le petit Swills attend dans la salle le retour du jury et du coroner, ainsi que M. Tulkinghorn. L’avoué est accueilli avec distinction par le magistrat, qui le fait asseoir à côté de lui, entre le seau à charbon et un billard harmonique. On procède à l’enquête ; le jury apprend comment est mort celui dont il s’occupe, mais rien de plus sur le compte du défunt.

« Gentlemen, dit le coroner, un juriste éminent, qui se trouve dans l’assemblée, a assisté par hasard à la découverte du fait qui est le sujet de cette enquête ; mais sa déposition serait exactement la même que celles du médecin, du propriétaire, du colocataire du défunt, précédemment entendus, et il est inutile de donner à ce juriste éminent la peine de déposer. Y a-t-il quelqu’un dans l’auditoire qui ait d’autres renseignements à nous communiquer ? »

Mistress Perkins pousse en avant mistress Piper, qui décline ses nom, prénoms et qualité, et prête le serment qu’on lui demande.

« Anastasie Piper, qu’avez-vous à nous dire ? »

Anastasie a toujours beaucoup à dire, particulièrement entre parenthèses et sans ponctuation, mais fort peu de faits à raconter. Elle demeure dans Cook’s-Court (où son mari est menuisier), et depuis longtemps on disait entre voisins (à partir de l’avant-veille du matin où Alexandre-James Piper a été ondoyé à l’âge de dix-huit mois et quatre jours, vu qu’on ne croyait pas qu’il vivrait, gentlemen, tant le pauvre petit souffrait des dents) que le plaignant (mistress Piper appelle ainsi le défunt, et insiste pour lui garder ce nom) avait vendu son âme. Elle pense que l’air du plaignant avait donné lieu à cette croyance. Elle le voyait souvent et lui trouvait un air barbaratif qui ne permettait pas d’en laisser approcher les enfants (et si l’on en doutait elle demande que mistress Perkins, qui est à l’audience, et qui fait honneur à son mari, à sa famille et à elle-même, soit appelée pour le dire). Elle a vu le plaignant bien des fois poursuivi par les enfants qui criaillaient après lui (car on ne peut pas attendre des enfants qu’ils se montrent meilleurs pour ces mécréants que vous ne le seriez vous-mêmes), et il avait le regard si noir qu’elle a rêvé souvent qu’il tirait une pioche de sa poche et fendait la tête à Johnny (car c’est un enfant qui ne connaît pas la peur et qu’elle a plus d’une fois été forcée de le rappeler, le