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Page:Dickens - Bleak-House, tome premier.pdf/19

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BLEAK-HOUSE

s’agiter quelque part, ainsi que l’a fait jadis ce factieux de Wat Tyler.

« Comme certains affidavit[1] ont été joints au dossier, continue M. Tulkinghorn, que la teneur en est courte, et que j’ai pour principe, fatigant j’en conviens, mais immuable, de ne rien laisser ignorer à mes clients des incidents de la cause où ils sont engagés ; sachant en outre que vous êtes sur le point de partir pour Paris, je me suis empressé d’apporter ces affidavit, afin de vous les soumettre. »

Sir Leicester est aussi du voyage, mais le courrier du grand monde ne parle que de milady.

M. Tulkinghorn demande la permission de poser les susdits papiers sur le tapis brodé d’or d’une petite table qui se trouve précisément à côté de milady, met ses lunettes, et commence la lecture suivante :

« En chancellerie, entre John Jarndyce… »

Milady l’interrompt pour le prier d’abréger autant que possible et de passer toutes ces horreurs de phrases.

M. Tulkinghorn lance un coup d’œil par-dessus ses lunettes et reprend sa lecture un peu plus loin. Milady s’absorbe complétement en elle-même ; son air est à la fois insouciant et dédaigneux. Le baronnet est dans un grand fauteuil, il regarde les tisons, et paraît avoir un goût sérieux et noble pour les répétitions et prolixités judiciaires, comme faisant partie de cet ensemble d’institutions heureuses qui sauvegardent la vieille Angleterre. Le feu est des plus vifs : de sa place, milady en ressent trop la chaleur, et l’écran qu’elle tient à la main est moins utile que magnifique ; elle se détourne, aperçoit les papiers qui sont sur la petite table, les regarde de près, de plus près encore, et demande, comme poussée par un mouvement involontaire :

« Qui a écrit cela ? »

M. Tulkinghorn s’arrête, frappé du son de voix de milady.

« C’est là ce que vous appelez grossoyer ? » reprend-elle avec son indifférence habituelle et en regardant fixement le procureur, tandis qu’elle joue avec le riche écran.

M. Tulkinghorn examine le papier que lui désigne Sa Seigneurie.

« Non, répond-il, c’est une simple copie dont le caractère légal dérive de certaines formalités tout à fait en dehors de la manière dont elle se trouve écrite. Pourquoi demandez-vous cela ?

  1. Serment par écrit prêté devant un officier d’une cour, ou toute autre personne légalement autorisée à le recevoir, dans le but d’affirmer la vérité de certains faits relatés dans ce serment. (Note du traducteur.)