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sa maladie avec sa pénétration ordinaire. Elle a été alarmée d’un événement qui aurait effrayé quelqu’un de plus robuste ; l’émotion l’a rendue très-souffrante ; elle m’avait appelé au moment où l’on découvrit la mort de cet infortuné. Malheureusement il était trop tard ; mais j’ai compensé le regret que j’avais éprouvé dans cette triste circonstance, en revenant ici donner mes soins à miss Flite, et en ayant cette fois l’avantage de pouvoir lui être utile.

— Le plus généreux de tous les membres, du corps médical, me dit tout bas miss Flite. J’attends le prononcé du jugement, pour lui donner de vastes domaines.

— D’ici à un jour ou deux, reprit M. Woodcourt en la regardant avec un sourire, miss Flite sera tout à fait guérie et se portera mieux que jamais. Vous avez appris sa bonne fortune ?

— La chose la plus extraordinaire ! On n’a rien vu de pareil ! nous dit miss Flite, dont le visage rayonnait. Tous les samedis, Kenge le beau diseur, ou Guppy, l’un de ses clercs, me met un papier dans la main, avec un billet de quelques schellings. Toujours le même nombre ; autant de schellings qu’il y a de jours dans la semaine. Et vous savez si cela vient à propos ! D’où m’arrive cet argent ? c’est la question. Vous dirai-je ce que je pense ? Eh bien ! continua miss Flite, en se reculant d’un air fin et en agitant l’index de la main droite d’une manière significative, je pense que c’est le lord chancelier qui me l’envoie, prenant en considération la longueur du temps qui s’est écoulé depuis l’apposition du grand sceau ; car il y a bien des années que le commencement en est, et il continuera sans doute jusqu’au jour du jugement. C’est fort honnête, comme vous voyez, plein de délicatesse d’avouer ainsi qu’il met un peu de lenteur dans sa manière d’agir. Dernièrement, à la cour, où je ne manque jamais l’audience, avec mes documents, je l’accusai d’être l’auteur de cet envoi ; il le confessa presque ; du moins il répondit par un sourire à celui que je lui adressai de mon banc. »

Nous lui exprimâmes nos félicitations bien sincères, et je lui témoignai le désir de voir continuer cette rente, qui venait si à propos augmenter ses revenus. Quant à deviner d’où elle pouvait provenir, mon tuteur était devant moi, absorbé, par l’attention qu’il prêtait à la volière de miss Flite, et je n’avais pas besoin de chercher plus longtemps quelle était la personne qui se montrait aussi discrète que généreuse à l’égard de notre amie.

«  Comment appelez-vous ces oiseaux, madame ? demanda-t-il d’un air gracieux ; ont-ils chacun leur nom ?