Aller au contenu

Page:Dickens - Bleak-House, tome premier.pdf/197

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

lieu de suivre les conseils de la raison, n’écouta que la passion, et… cela me rappelle M. Boythorn ; il m’écrit que vous lui aviez promis d’aller, avec ces dames, lui faire une petite visite à la campagne.

— C’est vrai, reprit M. Jarndyce ; mes deux filles l’aiment beaucoup, et j’ai accepté pour elles l’invitation qu’il m’a faite.

— La nature a oublié chez lui d’adoucir les teintes et les contours, reprit M. Skimpole en s’adressant à Éva et à moi. Il est un peu comme la mer, trop enclin aux orages ; et trop souvent en fureur, comme un taureau qui se serait mis dans la tête de voir tout écarlate ; mais je lui accorde en revanche les facultés étourdissantes d’un bon marteau d’enclume. »

J’aurais été fort surprise que ces deux hommes, d’une nature complétement opposée, pussent avoir grande opinion l’un de l’autre, et je me contentai de répondre, avec Éva, que nous étions enchantées de connaître M. Boythorn.

« Il m’a invité à l’aller voir, continua M. Skimpole ; et si toutefois un enfant peut se confier à un tel homme, je me rendrai à son invitation, d’autant plus volontiers qu’en allant avec vous, l’enfant sera sous la protection de deux anges gardiens. Il m’a proposé de me recevoir franco, aller et retour. J’imagine que cela coûte de l’argent ; quelques schellings, quelques livres ou quelque chose de ce genre. À propos, notre ami Coavinses, vous le rappelez-vous, miss Summerson ?

— Certainement, lui répondis-je.

— Eh bien ! chère demoiselle, le grand bailli vient de l’arrêter à son tour ; et il ne mettra plus personne en prison, à la face du soleil. »

La légèreté de ces paroles me fit une vive impression, car le souvenir du recors s’associait dans mon esprit à des pensées qui n’avaient rien de plaisant.

«  C’est le successeur de Coavinses qui m’a appris cette nouvelle, poursuivit M. Skimpole. Ce brave homme est actuellement chez moi, en prise de possession, comme j’ai coutume de dire ; figurez-vous qu’il vint hier ; c’était le jour de naissance de ma fille aux yeux bleus ; je lui fis remarquer l’inconvenance d’un pareil procédé. « Si vous aviez une fille charmante, seriez-vous content, lui demandai-je, de me voir venir le jour de sa fête sans y être invité ? » Il n’en resta pas moins, en dépit de cette observation judicieuse. »

M. Skimpole ne put s’empêcher de rire d’un fait aussi déraisonnable, et fit courir ses doigts sur le piano près duquel il se trouvait assis, faisant un arpége ou quelque trait rapide à