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autant de vérité que de finesse. Elle accourait en toute hâte de quelque maison du voisinage, et avait monté si vite qu’elle était tout essoufflée.

«  Voici Charley ! » s’écria le petit garçon.

L’enfant qu’il tenait tendit les bras à sa sœur en criant pour aller avec elle. Charley prit la pauvre petite créature, qu’elle porta comme l’aurait fait sa mère, et nous regarda par-dessus l’épaule d’Emma qui s’attachait à elle avec amour, tandis que le petit garçon prenait le coin du tablier de sa sœur.

«  Est-il possible, murmura M. Jarndyce, que cette petite travaille assez pour nourrir ces deux enfants ; est-il possible ? mais voyez donc ! »

Et c’était vraiment une chose à voir que ces trois orphelins, pressés les uns contre les autres ; les deux plus petits n’ayant pour tout soutien que l’aînée des trois, si jeune elle-même, en dépit de l’air sérieux qui contrastait si vivement avec ses traits enfantins.

«  Quel âge as-tu, Charley ? dit mon tuteur.

— Je vais sur treize ans, monsieur.

— Oh le grand âge ! reprit mon tuteur, le grand âge ! »

Je ne puis exprimer la tendre compassion avec laquelle M. Jarndyce prononça ces paroles d’une voix où l’enjouement se mêlait à la tristesse.

«  Et tu demeures toute seule avec ton frère et ta sœur ? poursuivit-il.

— Oui, monsieur, répondit la petite fille en le regardant avec confiance.

— Et qu’est-ce qui vous fait vivre, Charley ? reprit mon tuteur en détournant la tête.

— Depuis que mon père est mort, je vais en journée, monsieur ; aujourd’hui, j’étais à savonner.

— Mais Dieu me pardonne ! mon enfant, tu n’es pas assez grande pour atteindre le haut du baquet.

— Si, monsieur, avec des patins ; j’en ai de bien hauts qui appartenaient à maman.

— Et quand ta mère est-elle morte ? pauvre femme !

— Tout juste quand Emma est venue au monde, répondit Charley en jetant un regard à l’enfant qu’elle portait. Papa m’a dit alors que je devais être la petite maman d’Emma, et j’ai fait tout ce que j’ai pu ; j’ai nettoyé la chambre, soigné l’enfant, lavé le linge de la maison ; voilà comment j’ai appris, voyez-vous bien, monsieur ?

— Et vas-tu souvent en journée ?