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en est de même pour Charlotte. Il y a des gens qui ne veulent pas l’employer parce qu’elle est la fille d’un recors ; il y en a d’autres qui la prennent malgré ça, mais qui lui jettent au nez l’ancien métier de son père, ou bien qui se font un mérite de lui donner de l’ouvrage, et qui peut-être en profitent pour la faire travailler un peu plus et la payer un peu moins. Mais elle est si patiente et avec ça pas maladroite, et de si bonne volonté, faisant toujours plus qu’elle ne peut, qu’on n’est pas mauvais pour elle ; mais on pourrait être meilleur. »

Mistress Blinder, épuisée par un si long discours, alla s’asseoir pour tâcher de reprendre haleine, et M. Jarndyce se tournait vers nous pour nous dire quelque chose, lorsque son attention fut attirée par la brusque entrée de M. Gridley, dont il venait d’être question : c’était le locataire que nous avions vu dans l’escalier.

« Je ne sais pas ce que vous pouvez faire ici, mesdames et monsieur, nous dit-il en entrant, comme s’il eût été blessé de notre présence ; quant à moi, ce n’est pas la curiosité qui me fait venir, et vous m’excuserez d’être monté. Bonjour, Charley, bonjour, Tom, bonjour, petite ; comment allons-nous aujourd’hui ? »

Sa figure et ses manières avaient conservé à notre égard leur rudesse et leur sévérité ; mais il se pencha d’une façon affectueuse vers les trois orphelins qui le regardaient comme on regarde un ami. M. Jarndyce en fut touché.

«  Personne, répondit-il avec douceur, ne peut être soupçonné de venir ici par partie de plaisir.

— Peut-être, monsieur, peut-être, répliqua M. Gridley en prenant Tom sur ses genoux et en éloignant mon tuteur du geste avec une vive impatience. Au reste je ne me soucie pas de discuter avec les gens du monde ; j’ai eu assez de discussions dans ma vie pour en être guéri à tout jamais.

— Vous avez, dans ce cas, reprit mon tuteur, des motifs suffisants…

— Que me voulez-vous encore ? s’écria M. Gridley s’emportant tout à coup. Je suis querelleur, irascible ; je ne suis pas poli, monsieur !

— Je crois m’en apercevoir, répliqua mon tuteur.

— Connaissez-vous la cour d’équité, monsieur ? poursuivit Gridley en se levant et en se dirigeant vers M. Jarndyce, comme avec l’intention de le battre.

— Que trop, pour mon malheur !

— Pour votre malheur ? répéta notre homme, dont la colère