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pole avec sa légèreté ordinaire ; et pour une chose qu’après tout vous ne prenez pas au sérieux.

— Pas au sérieux ! reprit M. Boythorn avec une chaleur indicible ; pas au sérieux ! mais si j’avais pu espérer de le dresser convenablement, j’aurais acheté un lion à la place du bouledogue que voici, et je l’aurais lancé contre le premier scélérat qui se serait permis d’empiéter sur mes droits. Que sir Leicester consente à venir, et à vider la question en combat singulier ; j’irai à sa rencontre avec n’importe quelle arme connue ou à connaître ; c’est ainsi que je prends la chose ; ce n’est pas plus sérieux que cela ! »

Nous étions arrivés le samedi, et le lendemain matin nous nous dirigeâmes vers la petite église du parc, afin d’assister à l’office. Un charmant sentier qui serpentait à côté du terrain en litige nous conduisit, à travers les grands arbres, jusqu’au porche du temple.

L’assemblée, fort peu nombreuse, était composée de gens de campagne, à l’exception toutefois de la collection considérable des domestiques du château, dont la plupart étaient déjà placés lorsque nous arrivâmes : quelques valets de pied majestueux, un vieux cocher, modèle accompli du genre, ayant l’air d’être le représentant officiel de toutes les vanités qu’il avait conduites en carrosse, et de jolies femmes que dominaient la grande taille et la belle figure de la vieille femme de charge. Auprès d’elle se trouvait la jeune fille dont M. Boythorn nous avait parlé la veille en passant devant l’auberge : elle était si jolie, que sa beauté seule me l’aurait fait reconnaître, alors même que je ne l’aurais pas vue rougir sous le regard du jeune pêcheur que j’aperçus non loin d’elle.

Un visage, qui n’était pas non plus sans beauté, mais d’une physionomie peu agréable, et qui appartenait à une Française, épiait cette jeune fille avec malice, et regardait, à vrai dire, tous ceux qui étaient là, d’un air peu bienveillant.

La petite église, ancienne et sombre, avait quelque chose de solennel et sentait cette odeur terreuse qui s’exhale des tombeaux ; les fenêtres, ombragées par les arbres, versaient à l’intérieur une lumière affaiblie et verdâtre, qui pâlissait tous les visages, assombrissait les feuilles d’airain mêlées aux dalles, et faisait ressortir l’éclat inestimable du rayon de soleil, qui brillait sous le portail où le sacristain continuait à sonner la cloche. Un certain mouvement qui eut lieu vers la porte, une expression de crainte respectueuse sur le visage des paysans, et la résolution féroce que témoigna tout à coup M. Boythorn de ne pas