Page:Dickens - Bleak-House, tome premier.pdf/256

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pas beaucou’ eu du soverain, continue Jo en pleurant ; il a fallu que j’donne cinq schellings dans Tom-all-alone’s, pour qu’ils aient voulu m’changer la pièce ; et pis alors y a un homme qui m’en a volé cinq autres comme j’étais endormi ; et un autre garçon qui m’a pris neuf pence ; et le propriétaire qui m’en a soutiré encore pus qu’ça pour sa part.

— Vous n’espérez pas nous faire accroire ce conte-là, je suppose ? reprend le constable en regardant de côté avec un indicible dédain.

— J’sais pas c’que j’espère, répond Jo ; car moi j’sais rin du tout ; seul’ment c’que j’vous ai dit c’est aussi vrai que j’vous le dis.

— Vous voyez quel garnement ça fait ! dit le constable, mais c’est égal : si on ne le met pas en prison, monsieur Snagsby, voulez-vous répondre pour lui et garantir qu’il circulera ?

— Non ! s’écrie Mme Snagsby du haut de l’escalier.

— Ma petite femme ! réplique M. Snagsby d’une voix suppliante. Il circulera, constable ; je n’en doute pas ; vous voyez bien, mon pauvre Jo, qu’il le faut absolument, continue le papetier.

— J’ai jamais dit qu’j’voulais pas, répond l’infortuné.

— Eh ! bien faites-le, dit le constable ; et rappelez-vous qu’une autre fois vous n’en seriez pas quitte à aussi bon marché ; reprenez votre argent ; dépêchez-vous de partir ; soyez à cinq milles d’ici le plus tôt possible, et tout le monde y gagnera. »

Le constable souhaite le bonjour à toute la société, fait retentir Cook’s-Court du bruit de ses pas et s’éloigne en marchant à l’ombre et en s’éventant de son chapeau cerclé de fer.

Mais l’histoire que Jo vient de raconter à propos du souverain a fait naître une curiosité plus ou moins vive chez tous les auditeurs de ce récit incroyable. M. Guppy, dont l’esprit pénétrant a des facultés spéciales en matière de découvertes et de preuves judiciaires, et que l’oisiveté des vacances fatigue énormément, s’intéresse tellement à la chose, qu’il procède à un interrogatoire dans toutes les formes et captive l’attention des dames au point que mistress Snagsby l’invite à monter dans le salon pour y prendre une tasse de thé. Le jeune homme accepte et monte l’escalier, suivi de Jo dont il s’empare et qu’il retourne et pétrit dans tous les sens, d’après les meilleurs modèles judiciaires, dont le présent interrogatoire se rapproche surtout par l’absence de résultat, la longueur et les répétitions. Pendant cette enquête minutieuse, le vaisseau Chadband a échoué sur le rivage, où il