Page:Dickens - Bleak-House, tome premier.pdf/348

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la tête découverte, la poitrine nue, s’approche de la pompe, et revient ensuite la peau luisante à force de s’être savonné, frictionné, surtout arrosé d’une énorme quantité d’eau froide ; il prend une serviette de grosse toile, et tandis qu’il s’en frotte vigoureusement la tête, le cou et les bras en soufflant comme un plongeon qui sort de la mer, que ses cheveux frisent d’autant plus qu’il les a mouillés davantage, Phil, agenouillé devant le feu qu’il allume, regarde tout ce lavage comme s’il lui suffisait d’en avoir la vue pour être nettoyé personnellement, et de recueillir, pour ranimer ses forces, le superflu de santé dont le maître d’armes se dépouille.

Quand M. Georges est séché, qu’il a fini de se peigner, de se brosser, et que la partie ornementale de sa toilette, promptement expédiée, a complété ses opérations du matin, il bourre sa pipe, l’allume et parcourt la galerie de long en large, en fumant, suivant son habitude, pendant que Phil prépare le déjeuner. Il fume d’un air grave et marche avec lenteur ; peut-être cette première pipe est-elle consacrée à la mémoire de Gridley.

«  Ainsi donc, Phil, dit M. Georges, après avoir fait plusieurs fois en silence le tour de la galerie, tu as rêvé cette nuit de la campagne ?

— Oui, gouverneur !

— À quoi ça ressemblait-il ?

— J’sais pas, gouverneur, dit le petit homme, après avoir réfléchi.

— Comment as-tu reconnu que c’était la campagne, alors ?

— J’pense que c’est à cause de l’herbe, et pis des cygnes qui étaient dessus, répond Phil après une nouvelle réflexion.

— Des cygnes ! Et que faisaient-ils sur l’herbe ?

— Ils en mangeaient, gouverneur. »

M. Georges reprend sa promenade et Phil ses occupations culinaires ; la préparation du déjeuner, composé simplement d’une tranche de jambon grillé et d’une tasse de café, n’exigerait pas beaucoup de temps ; mais, comme le serviteur du maître d’armes a l’habitude de faire le tour de la salle pour aller chercher tous les objets qui lui sont nécessaires, et qu’il n’apporte jamais deux choses à la fois, cette opération est encore assez longue. À la fin, le petit homme annonce que le déjeuner est prêt ; M. Georges frappe sa pipe contre l’intérieur du foyer, pour en faire tomber les cendres, la pose sur le coin de la cheminée et s’assied pour manger. Une fois qu’il est servi, Phil prend sa part, se place tout au bout de la petite table et met son assiette