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signe affirmatif ; elle a quelque part un vieux bas plein d’argent. Je ne l’ai jamais vu ; mais je sais qu’il existe ; crois-moi, attends qu’elle ne pense plus à ses légumes, et fais ce qu’elle te dira.

— C’est un trésor ! dit M. Georges.

— Mieux que ça, dit l’autre ; mais je ne l’avoue pas devant elle ; il faut maintenir la discipline. C’est la vieille qui m’a fait musicien : sans elle, je serais encore dans l’artillerie. J’avais travaillé six ans le violon, dix ans la flûte ; « Jamais ça n’ira, disait-elle. De bonnes intentions, mais point de flexibilité. » Elle va trouver le chef de musique des carabiniers, lui emprunte un basson. J’étudie dans les tranchées ; ça marche un peu, encore un peu, et ça me fait un gagne-pain.

— Elle est fraîche comme une rose et saine comme une pomme, dit M. Georges.

— C’est tout à fait une belle femme, répond M. Bagnet. Absolument comme un beau jour ; plus elle va, plus elle est belle. Je n’ai jamais vu sa pareille ; mais je ne l’avoue pas devant elle ; il faut maintenir la discipline. »

La conversation continue sur le même ton jusqu’au moment où les deux camarades sont priés, par Malte et Québec, de venir faire honneur au porc et aux choux verts de mistress Bagnet, qui prononce un petit bénédicité avant le repas, et distribue les vivres avec méthode, joignant à chaque portion de viande la ration de choux, de pommes de terre, voire de moutarde, qui revient à chacun. Elle distribue la bière, et, quand elle a pourvu aux besoins des convives, elle se prépare à satisfaire son appétit qui ne manque pas d’une certaine vigueur. Le fourniment de la table, si l’on peut s’exprimer ainsi, est principalement composé d’ustensiles de corne et d’étain, qui ont fait campagne dans les cinq parties du monde. Le couteau du jeune Woolwich en particulier, qui ne s’ouvrirait pas plus qu’une huître, sans une charnière assez rude pour taquiner souvent l’appétit du jeune musicien, a, dit-on, en passant par plusieurs mains, fait le tour complet du service d’outre-mer.

Le repas terminé, mistress Bagnet, avec l’aide de ses enfants qui fourbissent leurs propres assiettes, leurs tasses, leurs couteaux et leurs fourchettes, fait briller de nouveau la vaisselle d’étain qu’elle remet sur le dressoir, après avoir balayé toutefois les abords de la cheminée, pour que M. Bagnet et son ami puissent se mettre à fumer. Ces soins de ménage exigent une infinité d’allées et de venues dans la petite cour de derrière, et une énorme quantité d’eau ; un dernier seau est enfin tiré, qui sert aux ablutions de la ménagère. Mistress Bagnet reparaît fraî-