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Page:Dickens - Bleak-House, tome premier.pdf/385

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splendeur dont il est un reflet affaibli, ou qu’il amasse en lui-même les dédains et les offenses que lui prodigue l’amabilité de sa pompeuse clientèle ; que ce soit l’un ou l’autre de ces motifs, ou tous ensemble, il vaudrait mieux pour milady avoir les regards de cinq mille fashionables fixés sur elle, avec toute la vigilance soupçonneuse des gens du monde, que les yeux ternes de ce procureur à la cravate tortillonnée, à la culotte d’un noir mat, liée aux genoux par des rubans assortis.

Sir Leicester est dans la chambre de milady, dans cette chambre où M. Tulkinghorn lut un jour le fameux affidavit dont milady Dedlock remarqua l’écriture ; le baronnet est près du feu et s’abandonne à la satisfaction qu’il éprouve. Milady, comme le jour où M. Tulkinghorn apporta la pièce en question, est assise en face du baronnet, son écran à la main. Sir Leicester est éminemment satisfait, car il vient de trouver dans son journal quelques remarques identiques à sa manière de voir sur la destruction des digues et le renversement de tout ce qui forme la base de l’édifice social ; elles sont d’une application tellement heureuse au fait du maître de forges, que sir Leicester est venu tout exprès de la bibliothèque pour en faire la lecture à milady. « L’auteur de cet article a l’esprit aussi éclairé que judicieux, fait-il observer par manière de préface, en hochant la tête comme si du haut d’une montagne il laissait tomber son regard protecteur sur l’auteur de l’article. »

L’esprit du publiciste, malgré son jugement et ses lumières, a pour effet de causer un ennui mortel à milady, qui, après un languissant effort pour écouter, ou plutôt pour paraître écouter, devient rêveuse et regarde le feu, comme si elle n’avait pas quitté Chesney-Wold et qu’elle fût seule dans son boudoir. Sir Leicester, qui ne se doute pas de cette contemplation mélancolique, poursuit sa lecture à travers son double lorgnon et s’arrête de temps en temps pour exprimer son approbation en ces termes : « Parfaitement vrai ! très-nettement exposé ! J’ai souvent fait cette remarque. »

À chacune de ces observations, il perd invariablement l’endroit où il en est, et parcourt la colonne du haut en bas pour retrouver la ligne à laquelle il s’est arrêté.

Le baronnet est donc en train de lire son article avec une excessive gravité, lorsque, ouvrant la porte, Mercure jette dans la chambre ces paroles étranges : « Milady, le jeune homme appelé Guppy. »

Sir Leicester fait une pause, répète d’un ton écrasant : « Le jeune homme appelé Guppy ! » et, jetant un regard autour de la