Aller au contenu

Page:Dickens - Bleak-House, tome premier.pdf/64

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
58
BLEAK-HOUSE

dre comme Éva (je crois qu’Éva n’avait rien dit), et vous pensez autre chose.

— Peut-être oublie-t-elle un peu sa maison, ajoutai-je en regardant Richard qui m’engageait à parler.

— Continuez, reprit M. Jarndyce ; j’ai besoin de connaître votre opinion tout entière ; ce n’est pas sans motif que je vous ai envoyés là-bas…

— Nous pensons, repris-je en hésitant, qu’il faut d’abord remplir les devoirs que la famille impose et qu’on ne saurait les remplacer par d’autres.

— Les petits Jellyby sont vraiment dans un état… Je ne trouve pas d’expression assez forte pour qualifier leur abandon, monsieur, dit Richard qui s’empressa de venir à mon secours.

— Elle a de bonnes intentions, reprit M. Jarndyce avec vivacité… il fait un vent d’est qui…

— Il était du nord quand nous sommes arrivés, fit observer Richard. De l’est, mon cher Rick, dit M. Jarndyce en attisant le feu ; j’éprouve toujours une sensation pénible quand le vent souffle de ce côté, et cela ne me trompe jamais.

— Un rhumatisme ?

— Probablement.

— Ainsi donc les petits Jellyby… je m’en doutais, sont dans un é… Le vent est bien de l’est, je vous le jure. »

Il fit deux ou trois fois le tour de la chambre, tenant d’une main le tisonnier, de l’autre ébouriffant ses cheveux avec une originalité si plaisante et d’un air où la bonté se mêlait tellement à la mauvaise humeur, que nous nous surprîmes à l’aimer plus que je ne pourrais vous le dire. Puis, offrant un bras à Éva, l’autre à moi, et priant Richard de s’emparer d’une bougie, M. Jarndyce nous fit sortir du salon.

« Ces petits Jellyby ! poursuivit-il ; mais ne pouviez-vous pas… et d’ailleurs ne l’avez-vous pas fait ?… enfin s’il avait plu des dragées, des tartes aux confitures ou n’importe quoi du même genre…

— Oh ! mon cousin… dit Éva qui s’interrompit en rougissant.

— Très-bien, ma charmante ; j’aime cela, appelez-moi mon cousin ; cousin John serait mieux encore.

— Eh bien donc, cousin John, reprit Éva en riant, il a plu pour eux quelque chose de meilleur que les dragées : c’est Esther.

— Vraiment ? qu’est-ce qu’elle a donc fait ?